Au pays du qvevri

Quand on évoque la Géorgie, certains vont penser aux montagnes du Caucase culminant à plus de 5000 mètres, d’autres à un pont entre l’Europe et l’Asie ou aux tanks de l’escarmouche avec les Russes en 2008. Plusieurs vont simplement demander à voir une carte. Toutefois, peu vont penser que cette petite république du Caucase pourrait être un endroit propice au tourisme, encore moins pour le tourisme vinicole. C’est pourtant bien le cas, puisque la Géorgie est considérée comme le berceau du vin et cette tradition est encore bien vivante de nos jours.

Vignobles en Kakhétie
Vignobles en Kakhétie

En effet, les premières traces de fabrication de vin ont été retrouvées en Géorgie. Il y a 7000 ans, avant la Grèce, la Turquie et l’Égypte, on y cultivait déjà le raisin dans le but de le transformer en vin. La culture du vin est enchassée dans la culture géorgienne: la patronne de la Géorgie, Sainte Nino, a fabriqué une croix à l’aide de ses cheveux et de bois de vigne. Tout au long de la période russe, les vins géorgiens avaient la cote et étaient les favoris à la fois des tsars et de Staline. Toutefois, en 2006, la Russie a banni l’importation de vins géorgiens (et moldaves) pour des raisons “sanitaires”. Deux ans après, les tanks russes étaient en Ossétie du Sud

Qvevris au monastère d'Ikatlo
Qvevris au monastère d’Ikatlo

Aujourd’hui, on produits en Géorgie deux types de vins, ceux produits avec les “techniques européennes” et faites de la manière traditionnelle. Traditionnellement, le raisin est foulé (idéalement avec les pieds) et le tout est ensuite transféré dans un qvevri, un gros récient de terre cuite étanchéisé avec une fine couche de cire d’abeille. Les levures présentes naturellement sur les raisins vont initier le processus de fermentation et on le laisse aller ensuite, jusque la fermentation s’arrête, ça prendra le temps qu’il faudra… Ensuite, le vigneron peut décider de prolonger le contact avec les peaux pour une certaine période de temps, dans un autre qvevri fermé hermétiquement. Le qvervi est ensuite ouverte et le vin est prêt! Cette technique, perfectionnée par les moines géorgiens au fil du temps, est toujours bien vivante aujourd’hui, à la fois dans les monastères que chez les paysans de la Kakhétie.

On s’en doutera, le résultat est bien différent de ce qu’on est habitué de boire. De manière générale, les blancs prennent une couleur dorée, voire même ambrée et développent des notes poivrées qu’on retrouve en plus ou moins grande importance selon le cépage utilisé, de même qu’un petit côté oxydatif. Il est bien difficile de faire un parallèle avec ce qu’on peut trouver ici. Dans le cas du rkatsiteli, on pourrait l’associer avec un viognier avec pas mal plus d’acidité… Fans du Jura, vous êtes déjà habitués aux vins hors-normes, ceci pourrait certainement vous plaire!

Du saperavi artisanal, dans une vieille bouteille de vodka...
Du saperavi artisanal, dans une vieille bouteille de vodka…

En rouge, le cépage le plus répandu est le saperavi. Ce cépage teinturier produit des vins presque mauves, au nez et à la charpente particulièrement imposants. Après son traitement en qvevri, les tannins se sont légèrement rangés et un nez de fruits noires et d’épices vient voler la vedette. Il est possible de se donner une idée de ce que peut donner ce cépage puisqu’on retrouve un saperavi (fait avec les techniques européennes) à la SAQ. Avec ses tannins et son acidité naturellement élevée, le saperavi produit des vins qui peuvent généralement vieillir très bien dans le temps. Un 2007 goûté chez Pheasant’s Tears était encore tout jeune et fringant, malgré le fait qu’il s’agissit du premier millésime produit par le domaine.

La Géorgie ne se limite pas qu’à ces deux seuls cépages, puisqu’on retrouve près de 500 cépages autochtones dans le paysage vinicole. Plusieurs sont vinifiés en quantités minuscules, mais font toujours partie des plantations locales. Puisque dans la tradition géorgienne, les cépages sont rarement assemblés, on peut facilement sortir de notre zone de confort avec du Mtsvane, un blanc rafraîchissant avec une touche de verdeur, un Chinuri léger et floral ou un Tavkveri, un rouge assez léger.

Si on veut goûter au meilleur de la Géorgie au Québec, les vins de Pheasant’s Tears seront bientôt disponibles en importation privée via La QV et se vendront entre 25 et 30 dollars. Je sais que je vais en commander quelques bouteilles, et ça ne sera pas que par nostalgie de mon voyage dans ce pays à découvrir.

La fin prochaine d’une absurdité?

Depuis un certain temps, on vante les mérites des vins de Prince Edward County et de la région du Niagara. Comme ces deux régions ne sont pas très loin du Québec, il est tentant d’aller y passer des vacances.

Gare à vous si vous tombez en amour avec les vins. Selon la loi sur l’importation des boissons enivrantes, il est illégal de traverser une frontière interprovinciale en possession de bouteilles de vin. De plus, le vignoble n’a pas le droit d’expédier des bouteilles directement chez le consommateur. Cette loi, à peine modifiée depuis 1928, transforme plusieurs personnes en dangereux criminels.

Heureusement, on commence à voir un début d’ouverture. Le projet de loi privé C-311, proposé par le député conservateur d’Okanagan-Coquihalla Dan Albas, vise à permettre le transport et l’expédition de vin au-travers des frontières inter-provinciales pour la consommation personnelle. Avec la vitesse à laquelle les choses bougent lorsqu’on parle de politique, on ne passera pas une commande tout de suite, mais il est bon de voir que je ne suis pas le seul à trouver cette situation absurde.

Quelques liens complémentaires:

Du vin en Chine…

Lors de mes deux semaines en Chine, on m’a souvent posé la question suivante: “Et puis, le vin en Chine…?” Dans la majorité des cas, c’était aussi accompagné d’un petit sourire qui en disait long sur la perception des gens sur le vin chinois.

C’est en visitant le pays qu’on prend la mesure de la relation des Chinois avec le vin. Bien qu’on retrouve des vignes en Chine depuis le deuxième siècle avant notre ère, elles furent principalement utilisées comme raisin de table ou pour faire des raisins secs. Encore aujourd’hui, seulement 13% du vignoble chinois, pourtant le quatrième vignoble mondial, est vinifié.

Photo prise lors du Salon international du vin à Hong Kong, le 15 août 2008. (Photo: AFP)
Photo prise lors du Salon international du vin à Hong Kong, le 15 août 2008. (Photo: AFP)

En voulant simplifier un peu, on peut dire que le vin consommé en Chine est rouge et bordelais.

Rouge, parce que le palais asiatique est différent du palais occidental et est plus sensible à l’acidité vive du vin blanc. Ainsi, plusieurs le coupent avec du soda ou du jus de fruit pour en atténuer le goût… De plus, au restaurant, un verre de vin blanc ressemble à s’y méprendre à un verre d’eau, ce qui n’est pas idéal pour quelqu’un qui veut montrer qu’il boit du vin.

Rouge, aussi parce qu’il s’agit d’une couleur qui symbolise le bonheur, la chance et la prospérité en Chine. Or, le symbolisme fait partie intégrante de la culture chinoise et est un facteur important dans le choix du breuvage qui va accompagner le souper.

Bordelais, parce que les Chinois boivent surtout pour le prestige. Le vin est considéré comme un produit de luxe en Chine et plusieurs s’en servent pour afficher leur richesse. Or, le marketing bordelais est très efficace et ils ont su tabler sur la notion de prestige autour de leurs plus grands domaines.

Maintenant, des groupes industriels chinois achètent des domaines dans la région bordelaise, même les très modestes et la Chine forme maintenant le plus grand marché d’exportation des vins bordelais en dehors de l’Union Européenne. La stratégie dans ces investissements est principalement de capitaliser sur l’image de marque de Bordeaux pour vendre le vin à bon prix en Chine.

Avec une croissance de 30% par année lors des trois dernières années et une consommation qui est encore sous la barre d’une bouteille par année par habitant, la Chine est un marché alléchant pour tous les pays producteurs. C’est présentement la France qui détient le haut du pavé des exportations vers la Chine et les autres pays producteurs devront rivaliser de prestige afin de séduire les consommateurs chinois qui veulent goûter au prestige du vin.

Toutefois, en faisant de la recherche pour cet article, j’ai découvert le fait que 90% du vin consommé en Chine était du vin chinois.[1. Les chiffres ne précisaient pas toutefois si cette proportion était calculée selon la valeur ou le volume du vin vendu. J’ai lu qu’en terme de valeur, c’était plutôt 60% du vin consommé en Chine qui était produit localement, mais ces chiffres restent à vérifier.] Ce n’est toutefois pas ce que j’ai constaté à Shanghai, ce qui souligne la différence que je présume importante entre la métropole et le reste du pays.

J’ai toutefois dû faire des pieds et des mains pour trouver du vin chinois à Shanghai, outre le Great Wall que l’on retrouve un peu partout dans les dépanneurs et les petites épiceries. Finalement, je suis passé par hasard à côté de la boutique de Grace Vineyard, un vignoble fondé en 1997 dans la province de Shanxi. J’ai bien hâte d’y goûter, le vignoble ayant reçu des bons mots de Jancis Robinson.

Vous voulez goûter aux vins chinois disponibles à la SAQ? Le Chardonnay Dragon’s Hollow sentait le riz (!) et goûtait la barrique alors que le Cabernet-Sauvignon Dynasty goûté récemment au Salon des vins de Québec est correctement décrit comme… aqueux. Bref, si vous voulez prendre la mesure du vin chinois, ouvrez-vous un Bordeaux, ou attendez un peu!

Wine Tycoon – Bonne idée, mal implémentée

En 1990, le designer de jeux Sid Meier lance Railroad Tycoon, un des premier jeux de simulation d’affaires. Le jeu a connu un tel succès que le genre a pri son envol. Avec cet essor, la série Tycoon a vu le jour, avec quelques très bons titres (Transport Tycoon, Rollercoaster Tycoon), quelques titres curieux, mais bien faits (Pizza Tycoon) et d’autres tout simplement farfelus (Lemonade Tycoon 2, Fish Tycoon).

Wine Tycoon
Wine Tycoon
Ce n’était donc qu’une question de temps avant qu’un studio de développement produise un épisode sur la gestion de vignobles. Ainsi, le 14 octobre dernier était publié Wine Tycoon, par Got Game Entertainment.

La description du jeu nous invite à

Investir dans le vignoble de nos rêves dans une des 10 régions vinicoles françaises, commander les opérations du Château, de s’occuper des vignes et de leur vinification. Une quarantaine de cépages et près de 50 types de vins sont disponibles pour la production.

Ça semble bien, non…? Toutefois, il s’agit d’un de ces jeux où la liste des fonctionnalités est plus intéressante que le jeu lui-même.

Deux modes de jeu sont proposés, le mode “carrière” et le mode libre. Le mode carrière entraîne le joueur à travers les 10 régions viticoles françaises proposées, toutes ayant un niveau de difficulté croissant. Pour progresser au prochain niveau, des objectifs sont proposés (avoir un compte en banque de 1 M$, par exemple). Quant au mode libre, le joueur choisit une région et part de zéro, sans objectif…

Le joueur doit aussi construire les installations nécessaires à la vinification et engager le personnel pour s’en occuper. Malheureusement, engager du personnel se limite à appuyer sur un bouton et tous les individus sont créés égaux, sans qualités ni défauts.

Le travail au champ n’est non plus pas particulièrement excitant. On peut traiter les champs contre les champignons, les insectes, l’infertilité ou la surcroissance. Toutefois, les opérations qu’il faut faire sont répétitives et semblent avoir des résultats limités…

Image tirée de Wine Tycoon
Image tirée de Wine Tycoon

Toutefois, le pire défaut du jeu vient lors de l’étape d’assemblage. On doit obligatoirement respecter les “recettes” en vigueur dans la région. Par exemple, à Bordeaux, on peut faire du St-Émilion, Médoc, du vin de Graves (rouge et blanc) ainsi qu’un Bordeaux générique (rouge et blanc)…

En plus de faire abstraction totale de la notion de terroir et d’appellation, il est impossible de faire preuve de créativité. Dans le Rhône, on commence avec un champ de Carignan. On veut produire une cuvée 100% Carignan pour se créer une petite mise de fond pour démarrer le domaine? Dommage, le seul vin qui utilise du Carignan est un assemblage demandant 3 autres cépages… Ceci n’est qu’un exemple, mais est bien représentatif du manque de vision à long terme présent dans le jeu.

Je ne parlerai pas ici des bugs rencontrés, dont deux assez majeurs qui ont fait planter le jeu de manière brutale. Je suis certain qu’on pourrait trouver des points positifs, mais je crois fermement qu’on part de beaucoup trop loin ici pour éventuellement en faire quelque chose de bien. Même si le jeu ne se vend que 20$ sur Amazon, il s’agit quand même d’un mauvais rapport qualité-prix.

VDV 25: Wine Sound System

Lors de la dernière édition des vendredis du vin, animés par François Chartier, les participants se sont plongés dans l’univers de la sommellerie moléculaire.

Pour cette nouvelle édition, je propose un nouveau type d’accord, un peu plus inusité. Inspiré d’un livre que je me suis ramené d’Italie lors de mon dernier voyage*, le thème se veut léger, à l’instar de l’été qui semble enfin arriver au Québec.

Wine Sound System
Wine Sound System

Pour cette nouvelle étape, vous devrez agencer un vin (ou des vins!!) avec une chanson. Laissez-vous guider par vos émotions, par la situation et par la musique et racontez nous pourquoi le vin que vous dégustez convient parfaitement avec Radiohead, Rilo Kiley, Edith Piaf ou cet obscure DJ allemand que personne ne connaît.

Afin de participer à ce Vendredi du vin, vous devez déguster un vin, écouter de la musique et poster le tout sur votre blog d’ici vendredi le 28 août. Lorsque le tout sera complété, laissez un commentaire ici-même, ou sur le site des Vendredis du Vin. Si vous n’avez pas de blog, vous êtes tout de même le bienvenus, soit par un commentaire ici ou sur le site des VDV.

* Le livre en question est “Wine Sound System”, de Donpasta. Il n’est pas encore traduit, ni son premier livre, Food Sound System, dont je vous laisse trouver le thème… La lecture avance bien, le nez régulièrement dans le dictionnaire…