Il y a quelques semaines, on ouvre une bouteille du Rasteau “Tradition” du Domaine Ortas. Il s’agit d’un bon vin généreux, facile à aimer et, surtout, une très bonne affaire pour les 15$ demandés. Sur l’étiquette, on note la mention, bien en évidence “Médaille d’Or – Concours des Grands Vins de France de Mâcon 2009”. Pour le millésime précédent, on y indiquait plutôt en caractères gras que le vin avait reçu 89 points du Wine Spectator. L’année prochaine, il y aura certainement une autre mention, selon ce qui est donné au vin et ce qui paraît bien sur la bouteille.
J’ai aussi participé comme juge aux Prix du Public Desjardins 2012, un concours où les juges sont tirés du grand public. Chaque table devait évaluer 8 vins et leur attribuer une note selon une grille de pointage bien précise, les vins se méritant une médaille selon le score qu’ils y ont obtenu. Au total, 425 vins ont été dégustés et et 128 d’entre eux ont obtenu une médaille, dont 47 médailles d’or. Au dévoilement des lauréats, Vincent Lafortune, un des organisateurs de l’événement, me confiait qu’il n’était pas surpris des résultats obtenus, le palmarès des vins reflétant assez fidèlement les ventes en succursale.
Depuis deux ans, la SAQ organise une opération marketing avec James Suckling, ancien chroniqueur au Wine Spectator parti à son compte. On y met en valeur des vins qui reçoivent la note magique de 90 points ou plus (ou plutôt, est-ce devenu une note de passage…?). Sur l’affichage en succursale, la note donnée au vin est mise en évidence, mais nulle part on ne trouve de description du vin, qui pourrait orienter le consommateur à savoir où il se positionne par rapport à cette note ou même par rapport au critique dans son ensemble.
Ces médailles et distinctions sont de plus en plus mises de l’avant par les producteurs sur leurs bouteilles. Influencent-elles le consommateur dans son choix? Fort probablement. En jetant un coup d’oeil à la grille de sélection des produits à la SAQ, on constate que ce type de reconnaissance compte pour 25% dans l’évaluation des produits de spécialité, un critère même plus important que la qualité du produit…! Il est donc conséquent que ce genre d’affichage publicitaire sur les bouteilles soit de plus en plus mis de l’avant. Un bon exemple de cet habillage publicitaire est le sauvignon blanc de Kim Crawford, qui liste 5 ou 6 grosses notes accordées aux millésimes précédents par la presse spécialisée.
En tant que consommateur, il faut savoir faire la juste part des choses… Est-ce que le concours mentionné est important et crédible? Est-ce qu’une médaille d’argent dans un concours de vin régional a une valeur pour vous?Est-ce que le critique qui donne une grosse note au vin que vous regardez a un palais compatible avec le vôtre? Il faut d’abord se connaître pour ensuite fare un choix éclairé. Par exemple, je sais que les vins australiens ne sont pas ma tasse de thé, même dans les produits plus haut-de-gamme. Ainsi, je choisirai d’abord un vin moins bien noté dans un style que j’apprécie plutôt qu’un vin noté 95 de la vallée de Barossa et en retirerai plus de plaisir!
En tant que blogueur, j’ai fait le choix de ne pas noter les vins que je commente. Je préfère mettre le vin en contexte, donner mes impressions tout en laissant au lecteur le soin d’aller déguster le vin et de se forger leur propre impression. Pour comparer plusieurs vins et établir un classement, la notation est un mal nécessaire. Par contre, lorsque vient le temps de présenter un seul vin, je suis d’avis qu’on peut en faire une bien meilleure évaluation en omettant la note qui attire tant les regards, parfois même au détriment du vin lui-même et du plaisir de le partager entre amis.
Entre connaissance de ses goûts et reconnaissance extérieure, que préférez-vous?