Le printemps a commencé sur une note pétillante et festive avec l’importation d’un carton de You Are so Bubbly, un vin pétillant naturel fait de cabernet-sauvignon, cabernet franc et carignan par Christian Chaussard, vigneron dans la vallée de la Loire au Domaine le Briseau, tout juste au nord de Vouvray. Il mène aussi une petite société de négoce appelée Nana Vins et Cie.
En avril dernier, il nous a donné un bel avant-goût du temps ensolleillé qui s’en venait. Au début de l’été, il a égayé un cinq à sept entre amis. En novembre dernier, il a marqué le coup d’envoi d’un souper festif. Toutes mes bouteilles ont été partagées en bonne compagnie et je suis content que tous ont aussi apprécié que moi. Dommage, il ne m’en reste plus pour l’année prochaine, je devrai en racheter lors du prochain arrivage car il me reste bien des amis qui n’y ont pas goûté…
Toutefois, au début septembre, on apprenait que Christian Chaussard est décédé dans un accident sur le domaine. On lève alors un verre au talent de vigneron de M. Chaussard et je le place dans ce palmarès de mes meilleurs vins de l’année.
Surveillez la liste de chez Insolite Importation pour le retour des produits du domaine le Briseau. Pour une vingtaine de dollars, on serait fou de se passer d’un vin aussi satisfaisant.
Avec le printemps qui commence à se pointer le bout du nez, la tentation de sortir sur le balcon, un verre à la main, pour profiter du soleil sera grande pour plusieurs. Certains iront pour un classique rosé, bien frais, gorgé de petits fruits bien invitants. Pour ceux qui veulent sortir un peu de ce sentier battu (mais tout à fait agréable!), voici deux suggestions de bulles festives et printanières.
Tout d’abord, le Cava 1312 de la maison espagnole Mestres est tout indiqué pour célébrer le beau temps. Composé de l’assemblage classique du Cava (Macabeo, Paralleda et Xarel-lo), il est très aromatique à cause de l’élevage de 18 mois sur lies. Bien rafraîchissant, avec une belle ampleur en bouche et des bulles bien fines. Pour une vingtaine de dollars, disponible en importation privée chez Symbiose Vins en caisses de 12 bouteilles.
La seconde suggestion risque de disparaître de votre cave aussi vite qu’il y est entré. Ici, la méthode d’élaboration diffère légèrement: il s’agit d’un vin pétillant naturel (Pet’Nat pour les intimes). On peut résumer en trois étapes simples:
On presse le raisin et on entame la fermentation alcoolique, comme on le ferait normalement pour tout type de vin.
Avant la fin de la fermentation, celle-ci est stoppée en abaissant la température. Lorsqu’on vise une intervention minimale sur le vin, l’hiver peut se charger de ce travail (pas trop!) complexe.
On embouteille alors et lorsque la température remonte, la fermentation se termine et le gaz carbonique qui y est libéré reste alors dans le vin.
Par opposition, dans la méthode champenoise, la fermentation alcoolique est menée jusqu’au bout puis une seconde fermentation est induite en bouteille (par l’ajout de levures) afin que les bulles se forment dans le vin. Évidemment, je simplifie ici dans le cas des deux méthodes…
Le Pet’Nat en question est le You are so Bubbly de chez Nana, Vins et Cie. Tout en nature, en fruit et en joie de boire. Au nez, on serait porté à croire que le vin sera légèrement sucré, avec un nez embaumant la fraise et la framboise. Toutefois en bouche, l’acidité et les bulles donnent une droiture et une vigueur qu’on n’aurait pas soupçonné initialement.
Servi en apéro avec un bagel à l’esturgeon fumé, la bouteille s’est vidée en moins de eux. Il fera certainement les beaux jours d’un apéro lors des premières chaleurs printanières. J’en ai trois an cave spécifiquement pour cette occasion! Au moment d’écrire ces lignes, il reste 27 cartons de 6 chez Insolite Importation, pour un peu plus de 21$ la bouteille. Si j’étais vous, je me lancerais sans aucune retenue…
La Renaissance des Appellations, ce regroupement de producteurs mené par Nicolas Joly tenait sa dégustation quadriennale à Montréal le 29 février dernier. Près de 60 producteurs étaient présents pour faire découvrir leur gamme de produits, produits selon la charte de qualité du groupe, qui vise à rendre l’esprit de l’appellation d’origine contrôlée: ce qui rend possible le goût d’un lieu particulier.
Comme le mentionnait Nicolas Joly (à droite) lors de sa conférence, une appellation d’origine contrôlée, c’est un climat et un sol. Comme corollaire, tout ce qui peut empêcher ce climat et ce sol de s’exprimer doivent donc être évités: engrais chimiques, désherbants, levures sélectionnées, osmose inverse, etc. Il est intéressant de notre que le groupe n’interdise pas l’utilisation du soufre mais le voit plutôt comme un mal nécessaire lorsque vient le temps d’expédier des vins à 5000 km de leur lieu d’origine. Certains vignerons choisissent de ne pas l’utiliser, mais il s’agit d’un choix personnel et non dicté par la Renaissance des Appellations.
Lors du salon, je n’ai pas goûté de vinaigre glorifié fait par des hippies, n’en déplaise à Michel Chapoutier. De manière générale, j’ai goûté de bien bons vins, quelques très bons et certains sont vraiment venus me chercher. Attardons-nous ici sur ces coups de coeur…!
Je l’affirme d’entrée de jeu, j’adore les vins de Stéphane Tissot. Que ce soit sont chardonnay Les Bruyères, son vin jaune ou le pinot noir En Barberon, tous les produits que j’ai eu l’occasion de goûter m’ont particulièrement plu. De la gamme dégustée dans le cadre de ce salon, j’en retiens le chardonnay La Mailloche qui sait allier puissance et pureté. L’équilibre et la longueur sont impressionnants et il était d’après moi meilleur que La Tour de Curon qui le suivait (et qui était vendu le triple du prix). Pour 39,50$, il s’agit d’un achat particulièrement avisé, disponible en importation privée en caisses de 12 chez Alain Bélanger.
Stéphane Tissot a aussi pris le pari que l’effet de terroir puisse s’exprimer aussi dans le vin jaune, malgré le vieillissement de plus de 6 ans sous voile. Le vin jaune “En Spois” 2004 est une belle introduction à ce vin si particulier, avec un fruit étonnamment présent et accessible. Servi à la suite, le vin jaune “Les Bruyères” 2004 est quant à lui plus rustique et plus tourbé, comme on pourrait s’attendre d’un vin jaune plus puissant. On en conclut que le pari initial est réussi. J’ai bien hâte de voir cette logique poussée plus loin dans les millésimes subséquents. Si vous avez manqué le passage de Stéphane Tissot, vous pourrez vous reprendre au mois d’avril prochain alors qu’il sera en tournée à Québec et Montréal avec d’autres vignerons jurassiens.
Ce salon fut aussi ma première expérience avec les vins de la Coulée de Serrant, domaine de Nicolas Joly et de sa fille Virginie. Terroir d’exception, la Coulée de Serrant est plantée en vigne depuis 1130 et 2012 marque la 882e vendange consécutive. Les vins qui y sont produits sont uniques, tant au niveau du terroir que de l’approche vinicole. Ainsi, le millésime 2006 des Vieux Clos compte 15% de raisins botrytisés alors que le millésime 2009 n’en compte que 5%. Pour Nicolas Joly, il s’agit de prendre ce que la nature donne cette année et de tâcher d’en faire le meilleur vin possible. Une petite pointe oxydative, une couleur dorée intense et une superbe minéralité sont les points communs entre les différentes cuvées. La Coulée de Serrant 2009 est en soi une expérience de dégustation. C’est le millésime 2006 qui est présentement en vente à la SAQ Signature, pour la modeste somme de 113$. Est-ce que ça en vaut la peine? J’oserais affirmer que oui.
Mon autre coup de coeur va à Olivier Cousin, vigneron en Anjou qui a fait parler de lui récemment à cause des ses démêlés avec le service de la répression des fraudes, pour son utilisation du mot “Anjou”. Nonobstant s’il s’agit de vin d’Anjou ou de “vin de table en Anjou”, les quatre cuvées dégustées étaient de haut niveau. Le Grolleau Vieilles Vignes et le vin de table Yamag (serait-ce du gamay…? ;)) sont des vins qu’on boirait tous les jours sans aucun regret. Les deux cuvées de cabernet franc, Pur Breton et Vieilles Vignes, sont quant à elles beaucoup plus sérieuses et profondes. Des vins de très haut niveau. Les vins d’Olivier Cousin sont importés au Québec par les Importations du Moine, liées au superbe restaurant Le Moine Échanson, à Québec. Heureusement, on retrouve régulièrement de ces vins dans la section vins à emporter du restaurant, ce qui permet de découvrir ces superbes vins sans devoir commander une caisse complète comme dans le cas des importations privées classiques.
Je m’en voudrais aussi de ne pas mentionner les grands Bourgognes du Domaine Trapet (Chapelle-Chambertin hallucinant, mais à 200$), Champagne Fleury Brut 1995 (le millésime 1996 est présentement en succursales) et les Croze-Hermitage du Domaine les Bruyères.
Au final, il s’agit d’un très beau salon organisé par le Raspipav. Quatre ans, c’est long avant la prochaine édition…!
Le sauvignon blanc ne fait pas partie de mes cépages préférés. J’ai souvent été confronté à la version néo-zélandais (ou est-ce sud-africaine…?) et je dois admettre que ce n’est pas ma tasse de thé. On a plutôt l’impression de mettre le nez dans un sac de gazon coup plutôt que dans un verre de vin. Ainsi, j’ai peu exploré les différentes expressions du sauvignon.
Ce soir, en accompagnement d’une tarte tatin d’endives et de feta, on ouvre une bouteille de Menetou-Salon Morogues, du domaine Henry Pellé. Le domaine situé à Morogues fait du vin depuis le début des années 1970, tant dans l’appellation Menetou-Salon que dans la Sancerre voisine. Les 12 hectares de vignes sont pressés sans égrappage, ce qui, selon domaine, permet de presser les baies de manière plus délicate. Ensuite, la fermentation s’effectue avec les levures indigènes et le vin est ensuite élevé 6 mois en cuves d’inox.
On y retrouve certainement les traits classiques du sauvignon blanc, à savoir un caractère végétal couplé à des notes de fruits tropicaux. Toutefois, ici on est loin de de la caricature qu’on retrouve parfois dans l’hémisphère sud. Les notes minérales provenant de la marne kimméridgienne (j’aurais difficilement pu inventer ça moi-même, mais ça se glisse bien dans une conversation… la définition est ici) et permettent d’ajouter fraîcheur et complexité à l’ensemble.
On apprend aujourd’hui via le blog d’Alice Feiring qu’Olivier Cousin, vigneron à Anjou, dans la Loire a des problèmes avec l’INAO, l’organisme en charge des règles de production et de classification des vins en France [1. L’INAO est aussi en charge des appellations pour les autres produits alimentaires, comme le fromage. En fait, tout ce qui porte une mention protégée en France est géré par l’INAO.]
Depuis près d’une dizaine d’années, Olivier Cousin produit des vins sous l’appellation de Vin de Table, jugés atypiques par le comité d’agrément de l’appellation, donc ne pouvant pas se réclamer de l’appellation géographique d’où ils sont issus. Toutefois, il a récemment produit un vin sous l’appellation AOC: Appellation Olivier Cousin! Traduit en justice pour avoir nui à l’appellation, il vient d’écoper d’une amende salée de 30 000 Euros, une petite fortune pour un producteur possédant que 5 hectares de vignes.
J’ai pu goûter à son chenin blanc il y a quelques semaines au Moine Échanson à Québec et je comprends pourquoi les gens de l’INAO trouvent pourquoi la production d’Olivier Colin ne cadre pas avec leurs catégories. On pouvait y reconnaître les caratéristiques du chenin, des notes florales, de pêches et de miel, tout en conservant une bonne acidité. Toutefois, on y retrouvait aussi des petites touches d’oxydation et une profondeur impressionnante. Il ne s’agit visiblement pas d’un vin facile ou accessible, mais dans les bonnes conditions (ou si on est ouvert à l’aventure et la découverte), la magie peut opérer…
Olivier Colin n’est pas le seul dans sa situation et plusieurs petits vignerons atypiques sont victimes des règles plutôt rigides imposées par l’INAO. Au Québec, on doit en plus se plier aux règles aussi rigides de la SAQ, à moins de se tourner vers l’importation privée. On finit quand même par trouver ces vins hors-normes, mais il faut savoir où chercher.
Quoi faire donc pour encourager la production de ces vignerons? Dans le cas d’Olivier Colin, on peut manifester son mécontentement à Sylvie Augereau (sylaugereau (A) wanadoo.fr) qui se chargera de faire le lien avec les autorités compétentes. De manière plus générale, le pouvoir du consommateur est de parler avec son porte-feuille. Acheter un vin, le partager avec des amis et le faire découvrir, c’est le meilleur moyen d’encourager l’artisan à continuer son travail. Puisque après tout, derrière chaque étiquette se cache un vigneron et son équipe qui se dédient à produire un vin de qualité, qu’il cadre ou non dans des standards définis.