Vins Chartier Créateur d’Harmonies: la table d’abord

À moins d’avoir été déconnecté pendant quelques mois, vous avez certainement entendu parler que François Chartier, sommelier qui se passe de présentation au Québec, lancera une gamme de vins Cuvée Chartier – Créateur d’harmonies le 3 octobre prochain.

La démarche génère le produit. Si on ne change pas la démarche, on va toujours produire la même chose.

Cette affirmation de Franco Dragone, metteur en scène pour le Cirque du Soleil est au coeur du processus d’élaboration de cette gamme de vins. En effet, on lit parfois sur une contre-étiquette qui mentionnait que le vin était bon avec à peu près n’importe quoi, de la viande blanche, du poisson, de la viande rouge, des fromages à pâte molle, bleus, etc. On arrive à ces situations lorsque l’accord avec la table n’est qu’une arrière-pensée dans le processus d’élaboration du vin. Le ridicule de ce genre de contre-étiquettes a amené François Chartier à se questionner sur la place du vin: forcément à table, en accord avec un repas.

Il a ainsi mis à contribution le travail précédemment effectué dans le cadre de Papilles et Molécules, qui tentait de mettre en évidence les possibles liens de complémentarité entre les vins et les aliments au moyen des molécules aromatiques qu’ils partagent. Le but: créer des vins qui sont à la vase conçus pour favoriser l’harmonie avec certains composantes de votre prochain souper.

Ce qui est mis sur les tablettes de la SAQ est le fruit d’un travail de plus de deux ans. Pour l’élaboration de ces cuvées, François Chartier a travaillé avec Pascal Chatonnet, oenologue bordelais, flying winemaker et maître de l’assemblage, de même que différents vignerons dans chacune des régions ciblées. Ainsi, pour chaque région, Chartier a choisi une piste aromatique précise et assemblé les différentes cuvées avec cette idée en tête.

François Chartier et Pascal Chatonnet en travail d'assemblage. Soucre: www.francoischartier.ca
François Chartier et Pascal Chatonnet en travail d’assemblage. Soucre: www.francoischartier.ca

Toutefois, malgré ce qu’on peut entrendre, l’idée n’est pas d’arriver à l’accord unique, mais plutôt, pour reprendre les mots de Chartier, d’encadrer la liberté d’accord et de proposer des pistes à partir desquelles on pourra continuer à créer des accords créatifs.

Pour les cuvées présentées cette année (4 vins cet automne et 2 au printemps prochain), les lots de vin ont été achetés déjà vinifiés aux différents domaines. L’assemblage s’est fait comme on le voit ci-dessus en collaboration avec Pascal Chatonnet et les vins ont été embouteillés dans les domaines respectifs. À partir de l’année prochaine, le travail est fait dès le champ, afin d’arriver au résultat voulu.

J’ai eu le privilège de goûter à ces quatre vins en primeur en compagnie de M. Chartier lui-même et d’une quarantaine de professionnels du milieu de la restauration, sur l’invitation de Philippe Lapeyrie. Merci beaucoup de l’invitation, c’était un réel plaisir.

On pourrait résumer que chaque vin représente très bien le terroir d’où il est issu et qu’on mise plutôt sur le côté digeste et frais que sur l’extraction. Peu importe ce qu’on pense de la démarche d’agencement moléculaire, il reste que les quatre vins présentés sont vachement bons. Je serai certainement acheteur le 3 octobre prochain, surtout à moins de 20$ par fiole.

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Le Blanc 2012Chartier voulait particulièrement travailler avec un producteur qu’il respecte énormément et qui travaille en biodynamie, le Clos des Augustins, à Pic St-Loup. Le vin qui a été produit est sans aucun doute sur la piste aromatique de la roussane, avec des notes d’abricot, de pêche et de miel, avec une bouche qui allie ampleur et minéralité. Il s’agit d’un assemblage de Chardonnay (40%), Grenache blanc (48%) et Rolle (12%) qu’il ne faut pas servir trop froid et qui fera des miracles avec des plats aux saveurs exotiques comme des currys avec une base de lait de coco.

Côtes du Rhône 2012: Provenant persqu’en totalité de Vinsobres, une petite appellation tout au nord de la section sud de la vallée du Rhône, cet assemblage grenache-syrah-mourvèdre est tout en fraîcheur. Ce vin assume très bien son côté animal, qui reste bien en équilibre avec les petits fruits rouges. Bien que l’assemblage soit principalement composé de grenache, c’est la piste aromatique de la syrah qui est mise de l’avant. C’est le temps de sortir l’agneau, les olives, le fenouil, etc.

Fronsac 2010Dans cette grande année, on choisira de carafer ce vin à base de merlot placé sur la piste aromatique du poivron grillé et d’une molécule nommée la priazine. La bouche est charnue et présente des notes de torréfaction et de fruits noirs typiques de Bordeaux. Encore une fois, on est en présence d’un vin digeste qui mise sur la “buvabilité” plutôt que d’essayer d’en mettre plein la gueule. Un beau Bordeaux qui se bonifiera au cours des cinq prochaines années.

Toscana Rosso 2009: Le plus âgé des quatre vins mis en marché, ce sangiovese a été mon préféré de la dégustation. Le nez sur les épices, le moka et les prunes n’était pas le plus expressif, mais c’est en bouche que la magie opère car tout est en équilibre: acidité, légère amertume, longueur, tannins. Bien que l’étiquette suggère un steak (ce qui n’est pas du tout une mauvaise idée…), je me dirigerais plutôt vers des pâtes toutes simples, sauce arrabiata (tomate et basilic, le tout rehaussé d’un peu de peperoncino) et l’accord serait certainement aussi bon.

Tendances 2010 à la SAQ – Les Gagnants

À l’occasion de sa réunion interne Blitz d’information, une conférence pour les agents promotionneles et les délégations commerciales, la SAQ nous offre un regard son administration et, particulièrement sur la gestion des produits qu’elle vend. Bien qu’on n’aie pas les données brutes, les présentations du résumé des résultat des performances des catégories de produits (performances de 2006-2007, 2007-2008 et 2008-2009) sont toujours disponibles sur le web. Plus sommaires au départ, on peut maintenant commencer à tirer plus d’informations et même tirer des conclusions sur les résultats des actions marketing apportées par la SAQ.

Les ventes totales de la SAQ durant la période 2009-2010 ont été de 2.7 millidards $, en progression de 5,1% par rapport à la même période l’année dernière. Les 1301 produits dits courants totalisent 81% des ventes alors que les 8500 produits de spécialité composent le 20% restant, une catégorie en croissance de 6,8%.

Concentrons-nous ici sur les catégories que l’on pourrait qualifier de gagnantes au courant de l’année 2009-2010, alors qu’on se penchera sur celles en dificulté et sur les sous-estimés plus tard.

Photo by 96dpi, Flickr
Photo by 96dpi, Flickr

Les Gagnants

La catégorie de produits la plus importante en valeur est composée des vins rouges du Languedoc. Après un repli d’un peu plus de 8% en 2007, la région rebondit en 2008 avec un gain de près de 7% en poursuit sur sa lancée en 2009 avec une augmentation de 11.6%. Toutefois, lorsqu’on regarde du côté des produits de spécialité, les vins rouges du Languedoc ne sortent pas particulièrement du lot (catégorie un peu plus grosse que la moyenne, mais avec une croissance de seulement 3,3%, sous la moyenne de la SAQ).

Est-ce qu’on verrait ici les consommateurs se faire la dent avec les vins du Languedoc, habituellement joufflus et faciles à aimer avant découvrir d’autres régions et cépages plus exotiques ou prestigieux? Avec un prix moyen par bouteille de 11,79$, la SAQ veut encourager les consommateurs à découvrir des produits un peu plus chers et prévoit introduire 6 nouveaux produits réguliers entre 15 et 20$ dans son offre. Pour l’instant, le Languedoc est cantonné dans un rôle de bon rapport qualité-prix et la SAQ souhaite que cette réputation soit aussi transférée aux produits un peu plus dispendieux.

En Italie, la Toscane connaît une bonne progression. Une croissance de 10%, à la fois dans les produits courants et de spécialité, mais surtout un prix moyen par bouteille de 17$, ce qui est une bien bonne nouvelle pour le commerçant lorsqu’on veut faire augmenter le panier moyen du consommateur. Dans les produits de spécialité, la Toscane est la 3e région la plus populaire, derrière Bordeaux et les États-Unis, ce qui confirme son importance auprès des consommateurs.

Parmi les actions qui sont envisagées afin de soutenir cette croissance, la SAQ veut promouvoir les vins Toscans lors des périodes où les gens achètent plus (Noël,etc.) et augmenter l’offre de produits dont le prix de vente est supérieur aux prix moyen. Il faudra s’assurer que cette introduction soit faite de manière telle que les consommateurs ne perçoivent pas la Toscane comme une région chère, puisque celle-ci est déjà située au-dessus de la moyenne de la SAQ.

Finalement, la dernière catégorie qui s’en tire plutôt bien est celle des États-Unis, à la fois dans le répertoire régulier que dans les spécialités. Une croissance de près de 25% dans les produits réguliers et de plus de 50% dans les spécialités propulse le pays de l’Oncle Sam vers de nouveaux sommets, menée par deux produits-phare. Sur un chiffre de ventes de 109 M$, près de 20M$ sont occupés à eux seuls par deux produits, le Ménage à Trois de chez Folie à Deux (9.8 M$) et le White Zinfandel de Gallo (9.7 M$). On se souhaite que la SAQ commence à explorer sérieusement les états autres que la Californie… À quand plusieurs bons vins des Finger Lakes…?

Les Sorcières du Clos des Fées 2008

Je suis un fidèle lecteur d’Hervé Bizeul, sommelier et journaliste dans une vie passée et maintenant vigneron dans le Rousillon. Blogueur aussi prolifique que talentueux, c’est par son site web que j’ai appris à le connaître. J’ai récemment eu l’occasion de faire aussi la rencontre de son vin d’entrée de gamme: Les Sorcières du Clos des Fées.

Les Sorcières du Clos des Fées
Les Sorcières du Clos des Fées

Composé à parts presques égales de vieux plants de grenache (35%), de carignan (35%) et de jeunes plants de syrah (30%), le vin est élaboré de manière à préserver le fruit tout au long de la vinification. Dates de vendanges décidées pour maixmiser le fruit, élevage en cuves d’inox pendant 8 mois et doses minimales de SO2.

Dans le verre, l’intention du vigneron est évidente. Le fruit est tout à fait mis de l’avant, tellement en fait que le vin semble manquer un peu d’équilibre. J’aurais aimé avoir un peu plus d’acidité et de structure pour appuyer le tout.

Si on cherche un vin pas compliqué, qui se laisse boire tout seul et/ou un vin pour un party d’Halloween, Les Sorcières et tout à fait approprié. Pour ma part, je vais probablement lui donner une deuxième chance, car j’aime les vins produits par des gens passionnés, qui aiment leur métier et leur terroir et c’est visiblement le cas ici.

Domaine d’Aupilhac 2005 – Coteaux du Languedoc Montpeyroux

Domaine d'Aupilhac 2005 - Montpeyroux Côteaux du Languedoc
Domaine d'Aupilhac 2005 - Montpeyroux Côteaux du Languedoc
Sylvain Fadat cultive la vigne près du petit village de Montpeyroux depuis 1989. Toutefois, il a derrière lui une longue tradition de vignerons, puisqu’il est la cinquième génération dans la famille à exercer ce métier. Le Domaine d’Aupilhac est établi dans le Sud-Ouest de la France, dans le village de Montpeyroux. Les vignes sont cultivées dans des terrasses en coteaux argilo-calcaires, bien typiques de cette région de la France.

Son Domaine d’Aupilhac 2005 – Montpeyroux est composé à 30% de mourvèdre, 30% de carignan, 25% de syrah, 10% de grenache et de cinsault à hauteur de 5 %, ce qui en fait un assemblage habituel de la région. Le tout macère pendant près de trois semaines avec des pigeages réguliers puis est élevé 20 mois en barriques usagées.

Le vin qui en résulte montre le résultat à la fois du terroir et de l’élevage qui l’a façonné. Un vin chaud, aux notes de bois, de sous-bois, de garrigue et de fruits noirs en compote, sans toutefois donner dans l’excès. Les tannins sont bien présents, mais ne sont pas du tout dérangeants.

Ce vin ne plaira pas nécessairement aux amateurs de fruit-bombs du Nouveau Monde, mais s’ils sont assez curieux, il découvriront un vin bien fait qui sort des sentiers auxquels ils sont habitués. Personnellement, j’ai bien aimé. Il mérite un accompagnement assez substantiel, permettant d’accoter les tannins et l’absence de fruit de ce vin. Une viande de gibier conviendrait probablement à merveille.

[rating:3/5] Code SAQ: 00856070 – 21,45$