L’adage qui dit que Nul n’est prophète en son pays s’applique particulièrement bien au domaine viticole québécois. Les ventes des produits vinicoles du terroir sont particulièrement faibles, au grand désarroi d’une industrie qui se bat pour plus de reconnaissance.
Les défis devant les vignerons québécois sont nombreux et ont fait l’objet d’une émission thématique de Bien dans son assiette sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada, à laquelle j ‘ai été invité. Pour l’écouter, c’est par ici! Comme ça passe vite, une heure en bonne compagnie, on revient sur les quatre principaux défis qui se dressent devant les vignerons québécois.
1- Le climat
Faire du vin au Québec demande un acharnement particulier en raison des rigoureux hivers québécois. Les cépages “classiques” européens de la famille des vitis vinifera sont généralement mal adaptés à notre climat à deux niveaux, chaud l’été mais très froid l’hiver.
Lors de l’hiver, les températures qui vont loin sous zéro vont tuer les plants de vinifera, à moins qu’elles soient protégées. Parfois, la neige peut agir comme un isolant, mais les techniques habituelles sont le butage des vignes à l’automne et, plus récemment, l’usage de toiles géotextiles pour protéger les plants. Ces techniques demandent un investissement considérable de la part des vignerons (autant au point de vue financier qu’humain)
Malgré toutes ces précautions pendant l’hiver, encore faut-il rendre le raisin à maturité complète! Évidemment, ce n’est pas demain la veille qu’on retrouvera une syrah ou un cabernet-sauvignon du Québec. Ces cépages demandent une quantité de chaleur et d’ensoleillement que notre coin de pays ne peut pas offrir.
2- Les cépages
Afin de faire face à ce défi climatique, les vignerons québécois doivent avoir recours à des cépages hybrides, issus de croisements afin de favoriser leur résistance au froid. Marquette, Vidal, Vandal-Cliche, Seyval blanc, Frontenac, Sainte-Croix: tous des cépages qui font partie de l’arsenal du vigneron québécois. Malgré que l’utilisation de ces cépages soit en fait une solution, ils viennent avec leur lot de difficultés.
Bien qu’ils soient adaptés au climat québécois, ils montrent certaines notes aromatiques qui sont plus ou moins désirables qui répondent au nom de foxé. La définition d’un arôme foxé est l’exemple parfait d’une définition circulaire… Les vins faits de cépages hybrides ont des arômes foxés, famille d’arômes qui rappellent les vins faits à partir de cépages hybrides… À défaut d,une meilleure image, imaginez la petite amertume et verdeur du jus de raisin Welch’s, fait à partir de raisin concord et vous saurez le reconnaître lorsque confronté à ce genre d’arôme.
Correction: Suite au commentaire pertinent de M. George Gale (voir ci-dessous), il est à noter que les notes foxés s’appliquent que pour les cépages descendant de Vitis Lambrusca. Au Québec, on note les cépages Sabrevois et Frontenac ont un parent Vitis Lambrusca et peuvent développer plus ou moins ce type d’arômes.
Parfois, les raisins ne sont pas amenés la maturité complète, ce qui entraîne des arômes végétaux pas non plus très agréables, particulièrement dans les vins rouges.
L’université du Minnesota mène un des recherches intensives dans le développement de nouveaux cépages qui seront à la fois résistants au froid et très qualitatifs lors de la vinification. Après avoir goûté à une cuvée faite de Marquette au vignoble de Sainte-Pétronille, on peut affirmer qu’il s’agit définitivement d’un pas dans la bonne direction.
Toutefois, au cours des dernières années, plusieurs vignerons ont recommencé à planter des Vitis Vinifera et les vins qui en résultent sont particulièrement prometteurs. Il faut savoir que 2012 était exceptionnellement chaud et ces cépages ont pu aller chercher la maturité nécessaire, qui serait difficile à aller chercher dans un millésime plus normal.
Je crois que l’avenir du vin au Québec passe par des vins blancs de qualité, faits à partir de vitis vinifera comme le riesling ou le chardonnay. Pour ce qui est des vins rouges, je crois que le progrès va venir du côté des hybrides de l’université du Minnesota, puisqu’on est encore trop loin au niveau du climat pour mûrir des vinifera convenablement sur une base régulière.
3- La distribution
On ne se fera pas de cachettes: la SAQ n’est pas particulièrement bonne pour la mise en valeur des vins du Québec. Leur réponse officielle est qu’ils n’ont pas le mandat de faire la promotion des vins du Québec, mais plutôt de faire le commerce des boissons alcooliques de manière générale et d’offrir un dividende au gouvernement du Québec.
Certaines décisions prises récemment remettent en question, comme le déménagement de la SAQ Terroirs du Château Frontenac vers Ste-Foy, loin des touristes du Vieux-Québec en est un bon exemple. Aussi, la planographie laisse trop souvent les produits du Québec loin au fond du magasin, certainement pas dans l’endroit le plus fréquenté…
Qu’on soit d’accord ou non, il s’agit ici d’un choix de notre société d’État et ça prendra une décision politique pour renverser le tout. Pour ce qui est de permettre la vente des vins du Québec dans d’autres points de vente en dehors de la SAQ, ce n’est pas possible avec la législation actuelle et on connaît tous la vitesse à laquelles les gouvernements bougent…
4- La notoriété
Toutes ces raisons font que les vins du Québec ne sont pas reconnus à leur juste valeur par les vins du Québec. C’est un cercle vicieux, puisque si la demande des consommateurs n’est pas là, la SAQ ne sera pas incitée à mettre de l’avant les vins du Québec.
La solution à ce dernier défi est en bonne partie dans les mains des consommateurs de vin du Québec. Il faut acheter les produits d’ici et faire un effort particulier pour servir les vins du Québec à notre table. On en demande à notre conseiller de la SAQ, on fait une visite au Marché des Saveurs à Montréal ou au Marché du Vieux-Port à Québec et on va rendre visite à des producteurs si possible! Ça demande un effort, mais vous en serez grandement récompensés.