Bien connaître son palais… et ses amis!

Au bureau, on sait que la fin de semaine arrive bientôt quand, vers 15h, quelqu’un arrive dans mon bureau avec une question classique: Quel vin me suggères-tu pour la fin de semaine?

Mine de rien, c’est une question difficile, qui peut générer quelques déceptions si on ne connaît pas les goûts de celui à qui on demande conseil. Un Savagnin du Jura que j’adore ne sera pas nécessairement apprécié par certains collègues au palais plus attirés vers les vins du Nouveau Monde. C’est pourquoi je trouve dommage la mise en valeur d’un vin par son seul score, comme on retrouve présentement avec la promotion James Suckling à la SAQ.

En cette ère 2.0, les conseils des professionnels se mêlent avec ceux d’amateurs passionnés, d’amis et de personnes qui s’improvisent connaisseurs. Afin de mettre un peu d’ordre dans toutes ces recommandations, voici quelques sources qui m’ont fait découvrir de belles bouteilles.

Le Cave à Vins sur Fouduvin.ca

Si vous ne connaissez pas le forum Fouduvin.ca, vous manquez une belle partie du web vinicole québécois. Ce forum de discussion sur le vin compte près de 3500 membres tous aussi passionnés les uns que les autres. Comme avec toute communauté, des liens se forment au fil des interactions et des dégustations.

J’aime particulièrement les recommandations du Cave à Vins. Fan fini de nebbiolo, de Loire et de vins un peu étranges, il sait trouver des perles rares qui sortent tout en finesse des sentiers battus. Il fait vieillir du muscadet biodynamique pour nous le ressortir dans quelques années à l’aveugle et n’a pas peur de sortir un Beaujolais nature lorsque le besoin s’en fait sentir.

Le vin qu’il m’a fait découvrir: Toute la gamme de Mastroberardino. Il a apporté un Riserva Centotrenta 1999 à une dégustation à la maison et a découvert le Radici 1999 que j’avais apporté dans une dégustation à l’aveugle. Dans les deux cas, j’ai grandement été impressionné par la qualité de ce que cette maison peut produire.

Rémy Charest

Au Québec, lorsqu’on met dans la même phrase les mots vin, blog, québec, il est fort probable qu’on croise le chemin de Rémy. Les lecteurs reconnaîtront probablement son nom puisque j’ai commenté à quelques reprises des vins qu’il a importé au Québec. Amateur de vin naturels dans la mesure du possible, ou du moins fait dans le plus grand respect du produit et du terroir, on peut le lire sur À Chacun sa Bouteille et The Wine Case, ses blogs vin, mais aussi sur Palate Press et sur Twitter.

Si vous n’avez pas encore lu Natural wine: it’s complicated, naturally, je vous incite à le faire à l’instant. Publié au printemps 2010, cet article reste selon moi une superbe mise au point sur le monde du vin naturel.

Rémy Charest
Rémy Charest

Le vin qu’il m’a fait découvrir: J’ai l’embarras du choix ici… J’opterai toutefois pour La Petite Arvine de René Favre et fils. Un cépage typiquement suisse, salin, avec une acidité vivifiante et à des lieux des vins préformattés que l’on goûte trop souvent. Un vrai goût de terroir et de savoir-faire passé depuis plusieurs générations.

Eric Asimov

Il est chroniqueur vin au New York Times. Il est le neveu d’Isaac Asimov. Tout geek amateur de vin devrait déjà être interpellé. Toutefois, regardant de plus près, on remarque que M. Asimov aime les vins bien équilibrés, respectant le terroir et les gens qui les font. Il est difficile de mieux résumer sa pensée que dans sa présentation sur le site du Times:

From grape to glass, wine is a wonderfully expansive topic. It hurts me to see it reduced so often to tasting notes, those comically over-specific efforts to capture aromas and flavors in a phrase. If you want to know whether a wine smells more like guava or jackfruit, I’m afraid I’m not your guy. Frankly, wine is greater and more interesting than that.

Eric Asimov - Photo: Tom Wark's Fermentation
Eric Asimov - Photo: Tom Wark's Fermentation

Le vin qu’il m’a fait découvrir: Fleurie Poncié 2009 du Domaine de Vissoux. Dans une entrevue au magazine Cellier, il a déclaré qu’un beau Fleurie du Domaine de Vissoux, c’est de l’émotion pure. Intrigué, j’ai poussé plus loin et y ai découvert un Beaujolais à des lieues de l’idée que des gens s’en font habituellement. Un vin de soif profond et complexe,c ‘est le meilleur des deux mondes. Encore hier nous sommes tombés sous le charme.

Une bouteille qui vient de loin – Enzo Boglietti Fossati 2005

Cette semaine, je renoue avec un événement vini-virutel auquel je n’ai pas participé depuis un certain temps: les Vendredis du Vin. À chaque dernier vendredi de chaque mois, des blogueurs partagent des notes de dégustation de vins et des découvertes, sur un thème sélectionné par le blogueur-président du mois. J’ai même agit comme président pour l’édition 21, qui invitait les blogueurs à découvrir un vin d’un pays plutôt méconnu, vous pouvez même vous replonger dans la synthèse, présentée directement sur la carte.

Ce mois-ci, le président du mois, Guillaume Nicolas-Brion du Blog Du Morgon dans les veines nous invite à partir en voyage et redécouvrir un vin qui nous a charmé lors d’un voyage. Encore le thème du voyage et de la découverte, décidément, on ne s’en lasse pas!

Juillet 2009. Notre parcours de vacances nous amène dans le nord de l’Italie, dans le petit village de Sinio, tout juste à l’extérieur de l’appellation de Barolo. Pour deux jours, visites de producteurs, balades dans les vignes et quelques bouffes mémorables. Le soir, hébergement au Pilone Votivo, agriturismo d’Enzo Boglietti, un producteur piémontais que je ne connaissais pas avant notre visite.

Il Pilone Votivo
Il Pilone Votivo

La journée de notre départ, on rend visite au domaine. Les installations sont modernes, la maison dans laquelle nous sommes reçus semble être tirée d’un magazine de décoration italien. Nous avons la chance de goûter plusieurs vins du portfolio, dont ses crus Fossati, Case Nere et Brunate. Coup de coeur pour le Fossati, qui était encore un bébé dans le millésime 2005 alors que le millésime 2001 montrait toutes les qualités d’un beau Barolo en jeunesse. Allez, hop! Un Fossati 2005 fait le saut au Québec, où elle dormait patiemment depuis ce temps.

Enzo Boglietti Fossati 2005
Enzo Boglietti Fossati 2005

Samedi dernier, dans le cadre d’une sympathique dégustation entre amis de Fouduvin.ca, je décide que ce Barolo sera notre offrande. À l’ouverture, le nez est déjà expressif mais la bouche est extrêmement compacte et les tanins sont sévères. Un tour en carafe de près de trois heures a su l’assouplir. Le nez est toujours puissant et complexe: fruits en abondances, tabac, caramel, romarin avec une pointe d’épices. On retrouve une bouche toujours droite et une finale d’une longueur impressionnante. Servi à l’aveugle dans un alignement de haut niveau, le charme opère encore.

Le nez dans le verre, je sens les collines des Langhe, la chaleur du Pilone Votivo et le plaisir d’être en voyage dans une région merveilleuse.

Les Copains d’abord – Kick My Glass Italie

Parmi les copains de Fouduvin, il y a un concept de dégustation particulièrement sympathique, qui vient jouer sur le sentiment de fierté et de compétition naturel d’un groupe d’amis passionnés du vin. Baptisé Kick My Glass, le concept est pourtant simple: chacun amène un vin qu’il apprécie, le sert aux autres à l’aveugle. S’en suit un vote et celui qui a apporté le vin gagnant se fait payer son souper par les autres. Simple et efficace pour mettre de l’animation dans une soirée: merci Pedro the Lion.

En ce Vendredi du Vin où on cherche à déguster le vin des copains, je reviens sur cette dernière soirée Kick My Glass, sous le thème de l’Italie.

Castiglione Falletto
Castiglione Falletto

Afin de ne pas avoir un biais prévisible dans l’ordre de service, celui-ci a été déterminé par tirage au sort et a été organisé en deux vagues de 5 vins, le plat principal étant arrivé au début de la 2e vague.

  1. Campo Quadro Punset Barbaresco 2001 – SAQ N° 10816679 – Le Cave à Vins – Détonne un peu dans le premier service, mais dans le bon sens. Plus léger, sans trop de bois et vraiment tout en finesse.
  2. Quintarelli Giuseppe Valpolicella Superiore Classico 2001 – SAQ N° 10811253 – Bpprive – Peu de notes de mon côté, à part le fait que le vin possédait un un beau fruit et pas mal de matière. On note toutefois la citation du Cave à Vins: “Je veux bien être pendu par les couilles s’il n’y a pas de Cabernet Sauvignon là-dedans…” Aux dernières nouvelles, il les avait encore, mais c’est parce qu’il a des bons amis…
  3. Gomba Barolo Sori Boschetti 2001 – Pas disponible à la SAQ – Cayout – Les deux bouteilles n’étaient pas cleans. Un peu de bouchon au nez, pas super franches en bouche. Dommage. Personne n’avait vu le Barolo là-dedans par contre…
  4. Vietti La Crena Barbera d’Asti 2004 – SAQ N° 10820791 – Cath the Cat – Le vin guidoune de la soirée. Ça sent le mélange à gâteau Betty Crocker à la vanille… Dommage, parce que les gens présents disaient que le vin se goûtait pas mal mieux dans d’autres circonstances.
  5. La Poderina Brunello di Montalcino 2003 – SAQ N° 742494 – Esteban – Belle bouche subtilement épicée avec une très belle structure. Bien efficace comme Brunello.
  6. Teroldego Marion Veronese I.G.T. 2004 – SAQ N° 10863660 – Pedro the Lion – Peu de notes ici… s’est fondu dans la masse des autres vins.
  7. Marcarini Barolo Brunate 2003 – Pas disponible à la SAQ – Phil.C – À mon avis, le plus beau des Barolos présentés. Typique Nebbiolo, une très solide trame, toute en longueur et en finesse.
  8. Radici Mastroberardino Riserva Taurasi 1999 – SAQ N° 11061773 – Konquest – Félicitations Au Cave à Vins pour avoir démasqué correctement ce vin, il ne lui manquait que le millésime. (Il se ratrappe pour le Quintarelli…) Un 1999 avec un jeunesse surprenante. Malgré le fait qu’il ait terminé en bas de classement, je suis bien content de mon offrande.
  9. Plateo Agriverde Montepulciano d’Abruzzo 2003 – SAQ N° 10782149 – Konquestte – La plus grande concentration des vins servis. Sans faire dans le jus de planche, c’est un vin plutôt dur pour l’instant. Un monstre tout d’un bloc.
  10. Falletto Asili Barbaresco 2003 – Bruno Giacosa – SAQ N° 10556934 – Lilizen – Équilibre, finesse et longueur. De la grande classe, et éventuellement le vin gagnant, avec 3 votes de première place.

Au final, les trois vins ayant eu le plus grand nombre de votes ont fait un podium relevé.

  1. Falletto – 20 points (5-5-5-3-1-1)
  2. Quintarelli – 17 points (5-5-3-3-1)
  3. Marcarini Brunate – 15 points (5-5-3-1-1)

Pas facile d’y aller à l’aveugle dans ce lineup. La première vague était plutôt homogène, sans grand vin qui en ressorte tandis que la 2e avait plus de différences. Le classement final était très serré, mais je suis persuadé que tous les vins pris indépendamment auraient illuminé n’importe quelle soirée…

Mais ultimement, ce qu’on retient de cette soirée est qu’un copain c’est bien, mais dix copains qui aiment le vin, c’est mieux!

VdV #20: Un gros merci…

Tonneaux chez Torres
Tonneaux chez Torres. Source: Dries Buytaert
Note: Il s’agit de ma première participation aux Vendredis du Vin, une journée thématique où des blogueurs partages des notes de dégustations sur un thème précis, décidé par le président du mois. Habituellement tenu le dernier vendredi de chaque mois, le Vendredi du Vin du mois de novembre est exceptionnellement tenu le 5 décembre. Ce mois-ci, Doug, de Ablegrape, propose comme thème un vin se rapportant à Thanksgiving, L’événement principal du mois de novembre chez nos voisin du sud (si on fait abstraction de ce qui s’est passé un certain 4 novembre dernier…)

Plutôt que de bêtement proposer un vin qui va bien avec la dinde aux canneberges, j’ai décidé d’interpréter le thème proposé par Doug de manière un peu plus large…

La SAQ recense présentement sur son site web 5041 vins rouges, 1784 vins blancs et 770 vins de dessert. En arrivant devant l’étalage, ou tout simplement, en cherchant ce qui constituera le prochain achat, pas étonnant que le choix ne soit pas facile. Afin de séparer le bon vin du jus de raisin Welch’s alcoolisé, plusieurs avenues s’offrent à nous. On peut parfois déguster avant d’acheter, se fier à des experts ou à des revues spécialisées.

Toutefois, la manière que je privilégie souvent est de suivre la recommandation de personne que je connais, et qui possède des goûts similaires aux miens. Ce Vendredi du vin, j’aimerais le dédier aux bonnes recommandations que j’ai eu récemment.

Dans The Omnivore’s Dilemma, Michael Pollan raconte pourquoi il lui a été beaucoup plus facile d’apprendre l’identification des champignons à l’aide d’un mentor que de livres sur le sujet: “A half dozen authoritative field guides by credientated mycologists had failed to convince me beyond a reasonable doubt of something I now was willing to bet my life on, based on the say-so of one Sicilian guy with no mycological training whatsoever. How could that be?” Sa réponse est simple: “The omnivore will happily follow the lead of a fellow omnivore who has eaten the same food and has lived to talk about it.

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