Un petit tour sur l’Etna

On la voit de loin, la masse sombre de l’Etna, qui domine le nord-est de la Sicile. Elle nous rappelle constamment que le volcan actif le plus élevé en Europe est à l’origine à la fois des terres fertiles de la région et des épisodes de destruction que la région a connu au fil des siècles. C’est sur son flanc nord, entre 600 et 2000 mètres d’altitude qu’on retrouve un des vignobles les plus en vue et les plus dynamiques de la planète vin.

LEtna, depuis Taormina

Le long de la SS120, entre Randazzo et Linguaglossa, le paysage alterne entre vignobles, vieux manoirs qui semblent avoir connu des jours meilleurs et quelques coulées de lave récentes, des sols gris où rien ne pousse. Les images satellites montrent bien l’étendue de la destruction que peut apporter l’Etna.

On y cultive du Nerello Mascalese et Nerello Cappucio en rouge et Carricante et Cataratto en blanc. Les vignes tirent avantage du sol aride et volcanique pour aller puiser leurs réserves bien profondément, donnant une complexité particulière au vin.

Le sol volcanique du vignoble de Feudo, chez Girolamo Russo
Le sol volcanique du vignoble de Feudo, chez Girolamo Russo

Malgré le fait qu’on soit dans le vignoble parmi les plus méridionaux en Europe, on est en présence de vins qui ne seraient pas reniés par les Bourguignons. L’altitude, le vent frais provenant du sommet et la proximité de la mer contribuent à la légèreté et à la vigueur des vins qui y sont produits.

Parmi les vins les plus délicieux de la région, on compte le Etna Rosso de Tenuta delle Terre Nere, les terres noires dans le nom du domaine faisant justement référence à ces coulées de lave omniprésentes dans la région. Les différentes coulées au fil des ans ont créé un patchwork géologique qui donnent à chaque cuvée un caractère distinctif.

Du côté léger du spectre, avec un nez qui embaume les petites fraises des champs, avec en arrière-plan, des notes fumées. En bouche, c’est frais et vivant, avec une bonne acidité et un tonus tannique qui vient équilibrer le tout.

Etna Rosso Terre Nere (Photo: saq.com)
Etna Rosso Terre Nere (Photo: saq.com)

Le réseau est à sec (il reste 3 bouteilles à Montréal!), on se souhaite un nouvel arrivage en février prochain. Si c’est le cas, j’en achèterai certainement quelques bouteilles rapidement lors de son arrivée sur les tablettes. Sinon, le Masseria Setteporte pourra aussi vous donner une jolie introduction aux vins de cette région, parmi les plus dynamiques présentement sur la planète vinicole.

À la découverte du Vermont viticole

À deux heures au sud de Montréal, on pense au Vermont pour ses montagnes vertes, ses forêts et ses activités de plein air. Peu de gens s’y rendent toutefois pour prendre le pouls de cette jeune région gourmande. Retour sur trois jours de découvertes.

La garagista
La garagista

Bien que toute jeune, l’industrie vinicole a rapidement compris que le climat vermontais ne se prête pas bien à la culture des cépages “classiques”, vitis vinifera. Ils tablent plutôt sur l’émergence qualitative de nouveaux cépages hybrides, plus résistants au froid, pour la plupart développés à l’université du Minnesota au cours de la dernière décennie. Le seul cépage vitis vinifera dont on a entendu parler lors de la fin de semaine est le riesling, principalement pour dire que c’était pas facile…! Au lieu de ça, Marquette, La Crescent, Brianna, Louise Swanson, trois variétés de Frontenac font déjà partie des meubles.

Le Marquette est le cépage rouge qui semble donner les meilleurs résultats. Les styles varient, mais le point commun entre les cuvées les mieux réussies était une dose minimale (voire absente) de vieillissement en bois neuf. “We found out that it was very easy to over-oak Marquette”, nous confiera le vigneron Chris Granstrom chez Lincoln Peak. Le Marquette prend alors des jolies notes de fruits rouge et une acidité bien marquée. Le bois viendra parfois ajouter un peu de corps, mais plus souvent qu’autrement il viendra plutôt que masquer le fruit sans vraiment apporter quelque chose de plus à l’ensemble.

Ethan Joseph, winemaker chez Shelburne Vineyard
Ethan Joseph, winemaker chez Shelburne Vineyard

Pour se faire sa propre tête, on se rend chez Shelburne Vineyards en comparant leur marquette d’entrée de gamme avec le Reserve Barrel Select. Disponible pour plantation commerciale seulement depuis 2006, on ne sait pas exactement comment il va se comporter au vieillissement à long terme, mais l’avenir semble déjà prometteur.

En blanc, on trouve beaucoup de La Crescent, aux notes aromatiques florales prédominantes, qui rappelleront à certains le gewürztraminer. Ici par contre, beaucoup plus de disparité, la fraîcheur ayant tendance à disparaître rapidement et le vin vient un peu lourd. Les meilleurs exemples de La Crescent réussissent à trouver un équilibre avec une macération prolongée, sans se rendre tout à fait à l’étape du vin orange. Assemblé avec du Frontenac Gris chez Lincoln Peak, il donne la cuvée Limestone qui trouve ce délicat point d’équilibre. 

Au-delà de ces généralisations régionales, il y a toujours des producteurs qui savent s’élever du lot. C’est le cas de Deirdre Heekin et Caleb Barber, derrière La Garagista. La ferme de polyculture qu’ils exploitent au coeur des montagnes est un petit coin de paradis. Les douces montagnes s’étendent à l’horizon, les pommiers et poiriers entourent la maison et les jardins d’herbes aromatiques.

Pas de pesticides, pas de levures industrielles ni de mécanisation, beaucoup de soin et un véritable souci du détail font des vins de La Garagista les meilleurs de la région. Les pétillants naturels Ci Confonde, tant en blanc (fait de Brianna) qu’en rosé (vinifié avec du Frontenac gris) sont à la fois classiques et possèdent cette sensation d’appartenir totalement à leur environnement. Des vins particulièrement excitants, vivants et nullement complexés par l’utilisation de cépages hybrides: ils sont tout simplement délicieux. 

L’industrie viticole au Vermont est comme un nouveau-né. Bien qu’encore un peu fripée, on voit déjà qu’elle pourra grandir dans quelque chose de très beau. Reste qu’à lui donner un peu de temps et beaucoup d’amour.

Mes vins signifiants: Cuvée 64

La bouteille n’a pour étiquette qu’un petit bout de ruban identificateur : Cuvée 64 et est certainement une des bouteilles les plus intrigantes qui trônent sur mon étagère de vins signifiants…

Dans la bouteille, du chardonnay vinifié en 2009 chez Closson Chase, dans Prince Edward County, Ontario. Un chardonnay comme je les aime, avec une fraîcheur assumée, un taux d’alcool sous contrôle et une texture riche apportée par l’élevage dans une vieille barrique, mais sans jamais que le bois ne prenne le dessus. À l’aveugle, on pourrait penser à un Bourgogne de belle facture.

Cuvée 64
Cuvée 64

Autour de la table, forcément, mon ami Rémy Charest qui a vinifié cette barrique en 2009 et qui prend un malin plaisir à servir ces bouteilles à l’aveugle lorsqu’on s’y attend le moins. Il a tenu tête à l’aveugle à un joli Puligny-Montrachet récemment et fait une forte impression lors de la soirée BYOB à Tastecamp 2013 en Virginie.

Au total, 72 bouteilles ont été produites et plusieurs se sont retrouvées dans quelques restaurants montréalais et québécois. Celle-ci provient de la cave de chez Joe Beef et j’ai insisté pour garder la bouteille vide, pour la mettre en cave. Avec une si faible production, je vois comme un signe de bonne amitié le fait que j’ai pu goûter à ce vin à 6 reprises au cours des dernières années…

Cheers Rémy et au plaisir de déguster ensemble ce que tu vinifieras à l’avenir!

Destination: Niagara (Partie 1)

Lorsqu’on mentionne Niagara, on pense surtout aux chutes. La superbe région viticole située à un peu plus d’une heure à l’est de Toronto passe souvent deuxième, alors qu’elle fraye son chemin sur la scène mondiale pour autre chose que le vin de glace.

Première partie de ce retour sur deux journées de visite bien remplies à la fin novembre.

Pearl-Morissette

François Morissette est un vigneron qui refuse les étiquettes. Montréalais d’origine, formé en Bourgogne chez des domaines pas piqués des vers (Frédéric Mugnier, Henri Gouges et Roulot), il s’est établi dans la péninsule en 2007. Vin nature? Non, il y a trop de mauvais qui se fait sous cette dénomination pour vouloir y être associé, mentionne François. Disons plutôt non-interventionniste, vivant, cérébral et pragmatique. Sans compromis.

Pearl-Morissette
Pearl-Morissette

Lors de mon passage, j’ai pu goûter à tout ce qu’il y avait à goûter… Sur la vingtaine de bouteilles, seulement deux avaient des étiquettes…! La dégustation est devenue presque une séance de travail lorsque l’assisant winemaker Brent Rowland est passé et s’est joint pour donner son avis sur l’évolution de certains vins qu’on dégustait!

Les bouteilles dégustées avaient pour la plupart été ouvertes entre quelques jours et une semaine auparavant et aucun signe de fatigue à l’horizon. L’oxygène est amené assez tôt dans le processus de vinification, ce qui leur permet de mieux résister au vieillissement et à l’ouverture.

Les rieslings, contrairement à l’habitude en Ontario, sont sans sucre résiduel et sont tout à fait vifs, tranchants et minéraux. Ici, le Redfoot offre une belle introduction à ces rieslings fermentés dans des vieilles foudres alsaciennes, mais c’est la cuvée Blackball (voir ici pour le résumé de la saga) qui retient la vedette. Un grand riesling qui vieillira avec grâce dans les prochaines décennies.

En rouge, mon coeur va au gamay qui offre toute la soif que ce cépage peut amener, sans tenter d’imiter ce qui peut se faire en Beaujolais. Un vin glougloutant à souhait, qui prend tout de même son temps pour se livrer. Une belle réussite qui montre que le gamay a un bel avenir dans le Niagara.

Le cabernet franc est quant à lui beaucoup plus substantiel et, selon l’avis de plusieurs, est probablement le cépage qui se démarquera le plus dans la région. Celui de François Morissette permet de baser un argumentaire particulièrement convaincant dans ce sens.

On surveillera aussi dans le futur les vins élevés en qvevris, ces gigantesques amphores en terre cuite importées de Géorgie. La cuvée de chardonnay qui y est élevée est pleine de fruits et de vie, avec une petite touche tannique juste assez dépaysante, mais qui m’a rappelé de beaux souvenirs de voyage!

Pour visiter chez Pearl-Morissette, il faut obligatoirement prendre rendez-vous. Le domaine est représenté au Québec par Vinealis.

Stratus

Alors que chez Pearl-Morissette, on produit pour l’instant presque uniquement des vins en monocépage, c’est l’inverse qui se passe chez Stratus, où l’assemblage est roi. C’est au total 17 cépages différents qui sont cultivés sur les 25 hectares de la propriété, qui produit du vin depuis 2005.

Jean-Laurent Groulx devant le vignoble enneigé de Stratus
Jean-Laurent Groulx devant le vignoble enneigé de Stratus

Établi dans le Niagara depuis 25 ans, Jean-Laurent Groulx a vu toute l’évolution de la viticulture dans le Niagara. C’est l’appel de la liberté qui l’a retenu dans la région, où les vignerons ont la possibilité d’expérimenter avec des nouvelles idées chaque année et où le progrès n’est pas retenu par le poids de la tradition.

Ainsi, à chaque année, l’emphase est mise sur le Stratus blanc et le Stratus rouge, les deux cuvées phare du domaine. La composition de l’assemblage varie annuellement, au gré de ce qui est le plus convaincant dans une séance d’assemblage à l’aveugle.

En 2012, année chaude, le Stratus blanc est composé à presque à part égales de chardonnay et de sauvignon blanc (43% et 42% respectivement), complété par 15% de sémillon. Avec presque deux ans en barriques, le vin développe une ampleur impressionnante qui fait que cet assemblage bordelais prend des airs de vins du sud du Rhône. Très joli.

Le Stratus rouge 2012, quant à lui, est issu principalement de cabernet sauvignon (29%), cabernet franc (26%) et de merlot (26%), complété par du petit verdot (13%), du malbec (3%) et du tannat (3%). Un vin qui respire la grande classe et l’élégance et qui est bâti pour la table. Il va vieillir longtemps et avec grâce.

Cabernet Sauvignon sous la neige chez Stratus
Cabernet Sauvignon sous la neige chez Stratus

Le domaine produit aussi quelques rieslings, qui sont plus dans la norme de ce qui se produit en Ontario, avec une bonne dose de sucre résiduel. Qu’on aime – ou pas – le style, on doit conclure que ce sont des vins d’une très belle facture, autant le Moyer Road Riesling (une étiquette propre au Québec) que la gamme de Charles Baker, le directeur marketing de Stratus dont le projet personnel est vinifié ici.

Et le vin de glace, lui? Il trouve chez Stratus une expression plus fraîche, avec un peu moins de sucre résiduel et un peu plus d’acidité que la moyenne. Ça reste une gourmandise et comblera les amateurs de Sauternes à la recherche de nouveaux terroirs.

Stratus dispose d’une très grande (et particulièrement jolie) salle de dégustation ouverte au public. Rendez-vous sur leur site web pour valider les heures d’ouverture.

Jean-Laurent Groulx dans la salle de dégustation chez Stratus
Jean-Laurent Groulx dans la salle de dégustation chez Stratus

Stratus est représenté au Québec par réZin, que je remercie pour l’aide à l’organisation avec M. Groulx.

Mes vins signifiants: Heart and Hands

Tastecamp, c’est un événement annuel regroupant blogueurs vins et journalistes qui vise à faire découvrir une région peu connue du grand public en rencontrant et en goûtant autant que possible pendant trois jours. Un sprint de dégustations et de rencontres, qui permet de se forger une bonne idée du potentiel de la région visitée.

En 2011, lors de ma première présence à Tastecamp, le groupe a investi la région des Finger Lakes, dans l’état de New York, au sud du lac Ontario. Je me souviens avec plaisir de plusieurs dégustations, mais ce fût la dernière visite qui était de loin la plus marquante.

Heart and HandsSitué un peu à l’écart du cœur de la région, Tom et Susan Higgins ont établi leur vignoble sur la rive est du lac Cayuga à cause de l’affleurement de calcaire qui compose le sous-sol de la propriété. Leur objectif était clair : faire du pinot noir de classe mondiale.

Ils nous ont reçu dans la cave, porté un toast avec un mousseux fabuleux, puis mené une dégustation de tout leur portfolio, nous montrant clairement que leur objectif était en voie d’être atteint. Leur pinot, tant la cuvée d’entrée de gamme que le Barrel Reserve, ne veulent pas imiter ce qui se fait en Bourgogne et ne présentent pas ce profil racoleur qu’on retrouve souvent dans les pinots californiens. Bref, un vin typiquement newyorkais.

On est évidemment repartis avec quelques bouteilles, ouvertes soigneusement en bonne compagnie. Lors de la dégustation Nouveau Monde des Vinssignifiants, le Pinot Noir 2009 (la cuvée d’entrée de gamme!) a fait sensation. C’est en accueillant le printemps avec une bouchée d’esturgeon fumé que la bouteille de brut rosé s’est frayé une chemin sur l’étagère des vins signifiants. Quant au Blanc de Noirs 2008 qui nous avait été servi en apéro sur place, on s’en est fait expédier à notre hôtel lors de notre passage à New York en décembre dernier…!

Chaque bouteille de chez Heart and Hands est spéciale pour moi, nous ramène dans les Finger Lakes, dans la douce chaleur du mois de mai et dans la bonne humeur de Tom et Susan. Je suis d’ailleurs dû pour y retourner!