La dure vie de chroniqueur vin

Dans la tête de plusieurs, le travail de chroniqueur en vin est plutôt glamour et consiste en passer de dégustation en dégustation, surfant d’un grand cru à un autre. La réalité est toutefois plus mitigée: les coups de coeur sont souvent beaucoup plus espacés que les écrits peuvent le montrer…

Puisque c’est toujours plus agréable de faire ça bien entouré, mon ami Rémy Charest a invité quelques amis pour partager les impressions, les bouteilles et une agréable soirée!

Sur la table, 10 blancs, 1 rosé et 12 rouges, tous servis à l’aveugle. pas de thématique dans l’agencement des vins,  à part le fait qu’il s’agit d’échantillons envoyés par des agences d’importation pour des fins d’évaluation. La majorité était disponible à la SAQ, mais certaines bouteilles se retrouvaient uniquement ailleurs au pays. Bref, il y avait un peu de tout!

Échantillons prêts pour la dégustation
Échantillons prêts pour la dégustation

En blanc, peu de vins étaient dans ma palette, mais la dégustation à l’aveugle nous réserve toujours quelques surprises. Agréable surprise pour le pinot gris de Kim Crawford, loin de la caricature qu’offre son sauvignon blanc: balancé, bien aromatique et droit. Même son de cloche du côté du gewürztraminer de Sumac Ridge, un cépage qui me laisse particulièrement indifférent habituellement, le trouvant souvent un peu “guidoune”. Dans ce cas-ci, pas d’excès de fleurs ou de savon

CMS Cabernet Sauvignon/Merlot
CMS Cabernet Sauvignon/Merlot

Du côté des déceptions, le Blanc 2013 de Chartier, décidément moins bien réussi que le 2012 que j’avais bien aimé. Était-il encore sous le choc de l’embouteillage? Aussi, le chasselas-pinot blanc de Quail’s Gate nous a laissé sur notre soif, manquant de prestance et d’acidité. Finalement, les Jardins de Bouscassé en a déçu plusieurs, puisque M. Brumont fait habituellement des très belles choses. Dans ce cas-ci, le nez était particulièrement désagréable (mouffette? sac de vidanges?), qui ne donne pas du tout le goût d’y retourner.

Du côté des trucs franchement moches, le Dreaming Tree Everyday, un mélange hétéroclite de raisins provenant de la Central Coast de la Californie. J’ai particulièrement fait le saut lorsque j’ai vu le prix demandé de 17.95$. Un vin un peu mou, avec un sucre résiduel assez important (il est classifié comme demi-sec!) qui plaira aux amateurs de Ménage à Trois.

En rouge, on a eu droit à quelques belles surprises, notamment le pinot noir de Baron Philippe de Rothschild, frais, épicé et particulièrement digeste et au CMS Cabernet Sauvignon/Merlot/Syrah qui a su ressortir à la fin d’une série de 7 cabernets bien modernes qui ont achevé plusieurs des amateurs autour de la table… Dans les deux cas, ils seront sur ma liste d’achat à l’avenir.

On ne pourrait dire la même chose du Red Revolution, un des nouveaux vins à bas prix introduits par la SAQ récemment. Sous un format de 750 ml, on a un liquide boisé, vanillé et sucré à l’excès, qui a su faire l’unanimité autour de la table. Le Cliff 79 Cabernet/Shiraz qui le suivait passait pour un modèle de retenue et de délicatesse, c’est pour dire… Si c’est pour ça la campagne de ramener les vins à moins de 10$ sur les tablettes de la SAQ, je suis plutôt d’avis que la SAQ devrait chercher à étoffer sa catégorie autour de 15$ plutôt que de sacrifier à ce point…

Bref, au sortir de cette soirée des plus agréables, un constat s’impose: le métier de chroniqueur vin n’est pas nécessairement facile et on en voit passer de toutes les couleurs, autant des jolies nuances colorées que plusieurs tons de beige et de brun. La dégustation objective de 23 vins consécutives est une tâche difficile qui demande une bonne dose de concentration et un bon crachoir à portée de main!

Les vignerons du Brulhois: Vin Noir et soleil

C’est à l’invitation de l’agence La Fontaine Vins et Liqueurs, que j’ai pu rencontrer Isabelle Mignot, des Vignerons du Brulhois. Par cette froide soirée de janvier, la chaleur du Sud-Ouest était tout à fait bienvenue.

À peu près entre mi-chemin entre Bordeaux et Toulouse, on y fait du vin depuis l’époque gallo-romaine, mais surtout depuis le Moyen-Âge, où la région exporte vers l’Angleterre via la Garonne.  Ravagé par le phylloxera, la région se relève depuis une trentaine d’années, jusqu’à la déclaration d’AOC en 2011. Aujourd’hui, une quarantaine de viticulteurs cultivent les 200 hectares de l’appellation, dont presque 90% sont membres de la cave coopérative des Vignerons du Brulhois.

Les temps sont assez durs pour les vignerons français, particulièrement dans les régions qui ne sont pas traditionnellement présentes sur les marchés d’exportation comme le Sud-Ouest. Les vignerons du Brulhois doivent en bonne partie leur vigueur économique au succès commercial du Grain d’Amour, un rosé demi-doux à base de muscat de Hambourg. Très floral avec une légère amertume qui invite à en reprendre une autre gorgée, on a soudainement le goût d’être en été, sur le bord de la piscine…!

Vignoble du Brulhois (Source: http://www.vigneronsdubrulhois.com/)
Vignoble du Brulhois (Source: http://www.vigneronsdubrulhois.com/)

La gamme du Carrelot des Amants est présente au répertoire général de la SAQ et offre un rapport qualité-prix indéniable, tout particulièrement le rouge dont le millésime 2011 est sur les tablettes. Cet assemblage de tannat, cabernet franc (35% chacun), merlot (20%) et autres curiosités comme le fer servadou et l’abrouiou montre une jolie structure tannique et une fraîcheur qui manque trop souvent dans les vins de cette gamme de prix. Pour 12,75$ (et 11,50$ en solde du 6 au 23 février), je vais certainement en faire provision pour les soupers entre amis!

La star de la soirée fut sans contredit le Vin Noir, un assemblage à parts égales de tannat, merlot et cabernet franc, cultivés sur les meilleurs terroirs de l’appellation. Il tire son nom de la couleur que lui impartit le tannat et le terroir de graves riches en oxyde de fer. Dans le verre, on est sur les fruits noirs, la réglisse avec des notes à la fois animales et minérales. La structure est définitivement en place pour faire vieillir le vin en beauté, comme on a pu le constater avec un 2003 en magnum tiré de la cave du restaurant. Les tannins sont encore présents, plus arrondis et enrobés mais le vin avait perdu de son lustre éclatant et gagné en noblesse. Un vin arrivé à son apogée qui, pour moins de 18$, mérite une place de choix en cave pour causer bien des surprises dans quelques années.

Isabelle Mignot, des Vignerons du Brulhois
Isabelle Mignot, des Vignerons du Brulhois, avec mes deux coups de coeur de la soirée

L’autre vin de la coopérative disponible à la SAQ est le Château Grand Chêne 2009, un assemblage à majorité de tannat qui, contrairement aux vins ci-dessus, effectue un court passage en barriques, ce qui le rend plus rond et définitivement plus approchable. Bien que très bien fait, j’ai trouvé qu’il était moins distinctif que le Vin Noir et, pour un prix équivalent, j’aurai tendance à le privilégier.

C’est lors de ce genre de soirées où on arrive sans trop d’attentes qu’on fait les plus belles découvertes. En plus du bon vin, j’y ai fait la rencontre de passionnés de vin, de terroirs et surtout des humains qui mettent le tout ensemble.

Merci encore à La Fontaine Vins et Liqueurs, qui m’a invité pour la soirée et défrayé le coût des vins et du repas. 

Trois mousseux pour les Fêtes

Les Fêtes approchent à grands pas et l’envie de partager les bulles croît exponentiellement. Afin de vous donner des idées, voici quelques bulles dégustées récemment qui méritent qu’on s’y attarde!

Vignoble de Sainte-Pétronille Brut Nature 2010

En vente au vignoble – 28$

Élaboré tout près de Québec, face à la chute Montmorency, ce mousseux est composé de Vandal-Cliche à 75% et de Vidal à 25%, provenant du millésime 2010. Le vin a été embouteillé en juillet 2011, et la seconde fermentation s’est faite directement en bouteille en suivant la méthode traditionnelle. Ensuite, il y a eu vieillissement sur lies pendant 24 mois et le dégorgement a eu lieu en juillet 2013. À cette étape, aucune liqueur de dosage a été ajoutée, pour préserver le caractère frais et croquant du vin. En 2010, 500 bouteilles ont été produites et la production est de 1000 bouteilles pour les années suivantes.

VSP

Contrairement à ce qu’affirme Marc-André Gagnon dans sa courte note, on a affaire à un vin droit avec une belle tension et une longueur appréciable. Servi à l’aveugle à côté des deux vins suivants à un groupe d’une trentaine de personnes, il a été le préféré d’environ le tiers du groupe! La marche était assez haute et il s’est montré à la hauteur.  Je suis bien content qu’il m’en reste une bouteille en cave.

Roederer Estate Brut Anderson Valley

Code SAQ: 294181 – 29,35$

Provenant de la vallée d’Anderson, au nord de la Californie, ce vin est élaboré par la réputée maison champenoise Roederer. Il s’agit d’un assemblage d’environ 60% de chardonnay et de 40% de pinot noir. Le vin est vieilli au moins 2 ans sur les lies avant le dégorgement. Il reste une toute petite touche de sucre résiduel (1.2%) qui est à peine perceptible dans le vin. Il est tout de même classifié comme Brut.

Dans l’assemblage, on retrouve une petite portion de vins vieillis en barriques de chêne, ce qui ajoute une touche de complexité à l’ensemble et est en ligne avec le style de la maison. La production annuelle est de 80,000 caisses.

À la dégustation, on constate qu’il est un peu plus rond et enjôleur en bouche que le Drappier et le Brut de Sainte-Pétronille. Les bulles sont fines et la longueur est trèes bonne. Je le préfère de loin au Mumm Napa, son concurrent direct dans la même gamme de prix.

Champagne Drappier Brut Nature Pinot Noir

Code SAQ: 11127234 – 46,75$

Depuis 1808, ce domaine familial a su s’établir sur des parcelles particulièrement calcaires, situées pour la plupart autour d’Urville, où le Pinot Noir, majoritaire, trouve sa plus belle expression et permet de produire des vins aromatiques très élégants.

Comme le Roederer, seuls les jus de première pression sont utilisés, mais ici le vin complète la fermentation malolactique. Par la suite, tous les vins sont élevés en cuves inox pour préserver la fraîcheur et sont très peu sulfités. Vieillissement de 2-3 ans puis aucun dosage à l’embouteillage. On retrouve alors un mousseux particulièrement sec, avec moins de 2g de sucre résiduel par bouteille.

On note que le vin est fait entièrement de pinot noir, contrairement aux deux autres. On peut imaginer des petits fruits rouges au nez et personne n’oserait vous contredire. En bouche, le vin est ample et en mène large et termine sur une légère amertume pas dérangeante du tout qui sonne surtout l’envie d’en reprendre une deuxième gorgée!

Organiser une dégustation à l’autre bout du monde

J’ai eu la chance de voyager pour le travail dans le cadre d’une rencontre commerciale avec tous nos partenaires de la zone Asie-Pacifique, tenue à Port Dickson, une petite ville au sud de Kuala Lumpur, sise sur le détroit de Malacca en Malaisie. Puisque ma passion pour le vin est connue chez Creaform, on m’a demandé d’organiser une petite dégustation de vin, afin de briser la glace entre les participants.

Au Grand Lexis, Port Dickson

Effectivement, il s’agit d’un joli projet, avec son lots de défis… Douze heures de décalage horaire. Un pays musulman où l’alcool ne court pas tout à fait les rues. Une centaines de personnes, dont la majorité parle peu anglais et qui n’ont jamais dégusté de vin. Un climat tropical qui réchauffe un verre dans le temps de le dire grâce à la température extérieure de 33 degrés.

Le premier défi aura été de trouver les vins. Impossible de les amener de l’extérieur, puisqu’on devait amener 36 bouteilles. Or, les douanes limitent à 1 bouteille par personne lorsqu’on entre au pays. J’ai donc dû me rabattre sur une boutique locale, identifiée grâce à l’aide précieuse de Wine-Searcher. J’ai ainsi pu trouver WW Wine Warehouse, qui semblait avoir une bonne réputation, pouvait livrer directement à l’hôtel et ont répondu tout de suite à mes questions. La livraison est arrivée comme prévu, même si la fenêtre d’opportunité était d’une seule journée.

Lineup de la soirée!

Au niveau de la logistique, le fait d’organiser le tout dans un hôtel a simplifié la tâche, une fois le droit de bouchon négocié puisqu’ils avaient déjà la base (bien que l’état de certains verres nous confirmaient qu’ils ne servaient pas souvent…) et ils ne lésinent pas sur la quantité de glace dans le petit chariot…

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L’intérêt de cette activité était de faire discuter les gens entre eux, dans un contexte informel. À chaque service, on cherchait à s’assurer que chaque personne qui faisait le service change de groupe et et puisse faire jaser les gens un peu à partir de questions de base à propos du vin qu’ils ont en main.

Et les vins dans tout ça? Ils sont horriblement taxés en Malaisie, donc on n’a rien eu de bien spectaculaire… Les deux blancs étaient de plus haut niveau, le Mas Rabell 2009 de Torres était parfait avec la température locale (lorsqu’il était frais!) et le Torbreck Woodcutter’s Sémillon 2006 avait amorcé son déclin, mais offrait encore un nez évolué d’épices et de fleurs. Pour les rouges, Les Traverses 2007 de Jaboulet était déjà bien sur la pente descendante et le Sangiovese delle Marche Danzante 2006 était un peu mince et acide. Quelques bouteilles avaient visiblement eu chaud aussi, ce qui n’a pas aidé…

Faire découvrir le vin à mes amis asiatiques, dans des conditions pas idéales, mais en ayant beaucoup de plaisir: check!

Des vins pour l’arrivée du beau temps

Le beau temps est finalement de retour au Québec, le mercure est à la hausse et une journée ensoleillée n’est plus synonyme de froid frigorifique comme au mois de février. On invite les amis, on sort les chaises de patio et on ouvre une bouteille pour souligner l’arrivée du beau temps.

Au fait, on ouvre quoi au juste? Voici quelques suggestions qui feront le délice de vos convives (ou, du moins, qui feraient mon délice à moi!).

Crémant de Bourgogne Bailly-LapierrePour commencer, pourquoi pas des bulles? J’aurais bien suggéré le Vive la Joie de Bailly-Lapierre, mais après une apparition dans le dernier magazine Ricardo, il n’en reste que 8 à la grandeur de la province… À défaut de pouvoir mettre la main sur cet assemblage de chardonnay et de pinot noir, on se tournera vers le Crémant de Bourgogne “standard” de Bailly-Lapierre, fait à 100% de pinot noir, celui-ci. Il offrira un nez expressif et des bulles bien fines. Ce n’est pas un champagne, mais c’est bien meilleur que certains champagnes produits à la chaîne et sans véritable âme vendus certainement trop chers (je regarde dans ta direction, Veuve-Cliquot Brut)…

Une autre bonne option est de se tourner vers les rieslings allemands, qui offrent souvent des vins avec un très faible taux d’alcool, parfaits (entre autres) pour l’apéro entre amis. Dans le registre abordable, le Riesling Dr. Loosen fait des heureux année après année. Il ne faut pas se laisser déranger par son petit sucre résiduel et le faible 8.5% d’alcool, il est parfait pour cette occasion!

Morgon 2010 de Foillard

Vos invités sont plutôt amateurs de vin rouge? Pour ce genre d’occasion, j’essaie de privilégier des vins qui ont un taux d’alcool raisonnable et qui se laissent boire tout seul, un Beaujolais est tout à fait approprié! Non pas la célèbre quille de Georges Duboeuf, mais plutôt un vin du sympathique Jean-Paul Brun, comme par exemple son Beaujolais L’Ancien 2011. Du beau gamay de soif, avec un petit plateau de charcuterie, c’est le bonheur! Pour une dose de bonheur supérieure, ouvrez un Morgon 2010 de Jean Foillard, un producteur phare das le Beaujolais, si vous pouvez mettre la main sur une des fioles restantes!