Vins. Collègues. Plaisir.

Ça fait maintenant 6 ans que j’organise une dégustation pour les collègues chez Creaform. Le concept, hérité des organisateurs de la première édition, fonctionne particulièrement bien: 3 vagues thématiques de 3 vins, servis à l’aveugle, jumelés à un questionnaire sans prétention qui permet aux gens de se poser des questions sur ce qu’ils ont devant eux.

Cette année, rebelote à l’exception que je n’ai pas d’abord choisi les thèmes mais qu’ils ont été plutôt modelés autour de vins ou de régions que je voulais faire faire découvrir. Le thème global de la dégustation: On va avoir du plaisir… encore! Complémenté par des charcuteries du Pied Bleu, on a effectivement eu pas mal de plaisir… encore!

Lineup Creaform 2014
Lineup Creaform 2014

En blanc, 3 vins réunis par leur différence puisqu’ils sont composés de cépages blancs autochtones pas particulièrement connus. Chapeau au Vina Gravonia 2004 de Lopez de Heredia qui a su diviser la foule et susciter la discussion par son léger côté oxydatif et son profil de goût particulier. Il n’a laissé personne indifférent (c’était un de mes préférés de la soirée!). Côté rapport qualité-prix, le Poças Corroa d’Ouro remporte la palme. Il en donne vraiment beaucoup pour 13,55$. Entre ces deux, le Moschofilero de Tselepos est un peu passé inaperçu, ce qui est un peu dommage.

Au premier service de rouges, j’ai pu servir côte-à-côte trois vins d’un même producteur, dans les différents niveaux des appellations de la Bourgogne. Les vins de Catherine et Claude Maréchal nous ont permis ce voyage. D’abord, le Bourgogne “Gravel” 2010, puis le Savigny-les-Beaune Vieilles Vignes 2011 et, finalement, le Pommard La Chanière 2011. Même élevage, (presque) le même millésime, la différence dans le verre est liée directement au climat sur lequel les raisins poussent. Une expérience de geek de vin que tous les amateurs de Bourgogne devraient faire. Tous trois présentaient un fruit pur et une complexité grandissante au fur et à mesure qu’on montait dans la hiérarchie. Quelques jours plus tard, tous se portaient admirablement bien, le Pommard ayant gagné en complexité, ce qui augure bien pour ce vin dans quelques années.

BarbarescoDeuxième service de rouges, thématique 20-40-60. Trois vins dont le prix de détail diffèrent par un facteur 3. Tout juste à la barre des 20$, le Sino da Romaneira a fait bonne impression et a confirmé le statut de mine d’or pour les chercheurs d’aubaines pour le Douro. À 40$, le Barbaresco 2009 des Produttori del Barbaresco m’a fait plier les genoux. Carafé rapidement, on a eu la preuve qu’il ira loin. Très loin. Personnellement, à la lumière de ceci et du fait que 2009 est considéré comme un millésime généreux et un peu plus accessible en jeunesse au Piedmont, je ne toucherai pas à mes 2006 et mes 2008 avant au moins l’année prochaine. Pour la bouteille à 60$, je voulais un vin du nouveau monde et je me suis tourné vers le Quatrain 2010 de Mission Hill. Merlot, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon et Syrah, concentré et intense avec une bouteille ostentatoirement lourde. Bien fait, mais je ne paierais pas 60$ pour ça puisque ce n’est pas du tout dans ma palette.

Au dessert, petite exploration dans le monde des vins de Porto. Dans le coin gauche, le Vau Vintage 1999. Dans le coin droit, Barros Colheita 1999. L’assistance est divisée de manière à peu près égale en deux, comme quoi entre Ruby et Tawny, les préférences personnelles prévalent. Mon coeur penche du côté du Barros, un accord sublime avec une petite gâterie venant de chez Chocolats Favoris, un de nos voisins préférés chez Creaform…!

J’ai déjà hâte à la fin-novembre l’année prochaine pour la prochaine édition!

Douro: Diversité et Assemblages

Sur la scène vinicole, lorsqu’on évoque le Portugal la première chose qui vient en tête est le fameux Porto. La renommée de la région repose en grande partie sur ce vin fortifié. Au Québec (du moins), ce qui attire le plus l’attention depuis quelques années est la qualité et le bon rapport qualité-prix des vins provenant de la vallée du Douro.

Inscrite sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 2001, il est presque inutile de chercher des adjectifs qui pourront transmettre avec justesse la grandeur du paysage. Allons-y avec dramatique et spectaculaire mais laissons plutôt les quelques photos ci-dessous parler d’elles-mêmes…

Séparée en 3 principales zones (Baixo-Corgo, Cima-Corgo et Douro supérieur), les vins possèdent l’appellation Douro. Pourquoi pas plus précis? Dans la majorité des cas, les vignes des différents domaines s’étendent sur un dénivelé de 600 mètres, avec des orientations couvrant trois points cardinaux différents. La vallée s’étendant sur près de 150 km, sans compter les quelques affluents qui sont aussi plantés, c’est impossible d’envisager une documentation bien précise des parcelles avant quelques siècles… Ce sont les domaines qui sont mis de l’avant plutôt que les différentes parcelles comme dans le modèles bourguignon ou certains domaines américains qui font de plus en plus des cuvées Single Vineyard.

La force de la région du Douro, que ce soit au niveau de ses vins de table ou de sa production de Porto réside dans un savant mélange de cépages et de ces terroirs. Aux cinq cépages principaux (Touriga Nacional, Touriga Franca, Tinta Roriz, Tinta Barroca et Tinta Cao) viennent entre autres s’ajouter du Sous?o, de la Tinta Amarela, de la Tinta Francesa (Grenache) et du Baga, comme autant d’épices qui apportent une profondeur à une cuisine.

Dans les plus vieux vignobles, tous ces cépages se retrouvent même pêle-mêle et peuvent contenir une trentaine de cépages différents. Même si les différents cépages vont arriver à maturité à des moments différents, les domaines les traitent la plupart du temps ensemble, vendangeant cette section du vignoble lorsque la maturité moyenne est adéquate.

Vieilles vignes de variétés diverses
Vieilles vignes de variétés diverses à la Quinta do Seixo

Dans toute cette diversité de terroirs et de cépages, est-ce qu’on retrouve quand même une direction commune? Certainement, grâce au talent d’assemblage que possèdent les vignerons de la région. La ligne directrice des vins de la région se veut le reflet de l’ensoleillement et de la générosité du climat qui baigne la vallée, principalement dans le Cima-Corgo et le Douro supérieur, les deux zones les plus éloignées de Porto et de l’océan Atlantique. Plusieurs vins vont tirer 14.5% d’alcool, mais à quelques exceptions près, vont conserver leur équilibre avec les tanins un peu rustiques apportés par ces raisins locaux.

Pour goûter ce qui se fait de bien dans les rouges du Douro, cherchez les vins suivants sur les tablettes de la SAQ près de chez vous pour boire plus (et mieux) du Douro.

Quinta da Romaneira

Quinta da RomaneiraLe domaine fait rêver. Une propriété d’un seul tenant de 400 hectares, avec près de 5 kilomètres de berges. Un hôtel de catégorie super-luxe (qui a fermé depuis, ce n’était pas rentable…) dans lequel on a eu la chance de passer la nuit. Des terrasses vertigineuses sur le Douro qui vues de la piscine, ressemblent pas mal au paradis sur terre…

Mais ce n’est pas tout et je ne serais pas si enthousiaste si le vin n’était pas à la hauteur lui-aussi…! La cuvée d’entrée de gamme du domaine, le Sino da Romaneira, vient d’arriver au Québec dans un arrivage Cellier et se détaille tout près de 20$. Ici, fraîcheur et simplicité est la ligne de parti et, avec ses 13.5% d’alcool sans aucune verdeur, il prouve qu’on ne doit pas payer une fortune pour avoir un vin de grande qualité.

La cuvée générale du domaine sait vieillir en beauté, comme l’a prouvé le 2005 qu’on a pu goûter sur place. Pour 27$, il ravira tout ceux qui se cherchent un vin de moyenne garde pour la cave et qui surprendra dans quelques années. J’ai bien hâte de voir dans quelques années celles que j’ai décidé d’entreposer en cave!

Si vous voyez la cuvée Reserva en importation privée, attendez les 2010. Les deux millésimes précédents sont particulièrement marqués par le bois et ce n’est qu’en 2010 que celui-ci a été significativement réduit. Encore là, le taux d’alcool est raisonnable et il réussit à allier générosité, structure et fraîcheur.

Quinta do Vale Me?o

Francisco Olazabal à Vale Me?oFrancesco Olazabal est une figure de proue de la viticulture du Douro et un descendant de Dona Maria Ferreira, un des personnages les plus importants du début du 18e siècles et qui a déjà contrôlé une dizaine de Quintas. C’est aussi là qu’a été créé un des vins portugais les plus célèbres: Barca Velha.

Vale Me?o est situé dans dans un méandre du Douro, non loin de la frontière espagnole et se distingue des autres domaines par le fait qu’il soit (relativement…) plat et situé sur du granit (plus que la moyenne des autres domaines).

Les deux vins rouges du domaine sont présents à la SAQ. En introduction, ou si vous ne voulez pas payer 75$ pour la cuvée haut-de-gamme, goûtez au Meandro do Vale Me?o 2011. L’homme est d’une passion contagieuse, qui se transmet aussi dans ses vins. Un vin généreux, fougueux et qui va droit au but. Réservez-lui une belle pièce de viande braisée et il vous le rendra bien.

Ceci dit, le Quinta do Vale Me?o 2010 se détaille environ 65 Euros dans les magasins de Porto, ce qui fait passer le prix au Québec un peu plus facilement! Si vous visez le haut de la gamme, vous faites une très bonne affaire à la SAQ!

Poças

Domaine familial établi depuis quatre générations, la gamme de vins de Poças est un des meilleurs rapports qualité-prix que l’on a croisé pendant la semaine, tant au niveau des vins de table que des Portos.

Le Corroa D’ouro est une valeur sûre, tant en blanc qu’en rouge, est toujours disponible à la SAQ et remplit parfaitement le rôle de vin de tous les jours qui ne cherche pas à se prendre pour un autre. Sous la barre des 15$ au Québec, on peut difficilement demander mieux.

En janvier prochain, on devrait voir apparaître sur les tablettes le Vale de Cavalos 2012, lui aussi autour de 20$. Une coche plus sérieux que le Corroa D’ouro, on le servira accompagné d’un filet de boeuf dans son jus avec une poêlée de champignons pour un plaisir maximal.


J’ai participé à un voyage d’une semaine à Porto et dans la vallée du Douro à l’invitation de l’Instituto dos Vinhos do Douro e Porto, qui ont payé mes dépenses et organisé le tout. Merci beaucoup à Paulo Russell-Pinto de l’IVDP et à Ryan Opaz de Catavino pour la superbe semaine. Merci aussi aux producteurs qui nous ont reçu pour leur grande générosité, à la fois en vin, en anecdotes et en temps dans cette saison post-vendanges. 

Comfort food. Comfort Wine.

Les accords mets et vins ont parfois la réputation d’être compliqués et de demander de bien connaître les interactions entre le vin et la nourriture sur le bout des doigts. Il y a toutefois quelques accords tout simples qui fonctionnent à tout coup.

Sangiovese di Romagna de Poderi dal Nespoli
Sangiovese di Romagna de Poderi dal Nespoli

Mon comfort food par excellence est une généreuse portion de pasta all’arrabiata, une sauce toute simple à base de tomates, de pancetta et de peperoncino. Un grand classique italien facile à préparer qui me rend heureux à chaque fois.

Côté vin, pas besoin d’aller chercher bien loin, l’accord régional fonctionne parfaitement. Un vin italien à base de sangiovese va particulièrement bien avec les plats à base de tomate comme celui-ci. On pourrait aller piger en Toscane, plus particulièrement dans le Chianti, où il y a amplement de choix pour s’amuser.

La dernière fois, j’ai plutôt opté d’aller du côté de l’Émilie-Romagne, chez Poderi dal Nespoli. Domaine fondé en 1929, leur cuvée Prugneto, faite des plus vieilles vignes du domaine, est disponible sur les tablettes de la SAQ pour 20$.

Légèrement timide à l’ouverture de la bouteille, il s’est rapidement épanoui dans le verre avec un nez de fruits bien murs et des notes épicées. Plaisant et généreux, tout en conservant une certaine retenue. C’est surtout son acidité en bouche qui lui permet de bien s’agencer avec la tomate de la sauce et d’offrir toute la fraîcheur désirée. Tous deux se complémentent à merveille et même si ce n’est pas nécessairement l’accord le plus original, il fonctionne tellement bien qu’on serait fou de s’en passer!

Merci à Elixirs Vins et Spiritueux, qui m’a fourni la bouteille en échantillon, j’en ai racheté par la suite! 

Trois vins à partager cet été

Il n’y a pas grand-chose de plus agréable que de se retrouver entre amis dehors lors d’une longue et chaude soirée d’été. Autour d’un feu de camp, ce n’est certainement pas le contexte favorable pour ouvrir un grand cru. Par contre, pour partager en bonne compagnie, c’est parfait. Voici quelques suggestions qui sont à la fois pas compliquées, bien agréables et qui possèdent une bonne disponibilité sur les tablettes de la SAQ.

Photo: SAQ.com
Photo: SAQ.com

Pour bien commencer la soirée, il est toujours agréable d’ouvrir des bulles. Un champion à cet effet est le Prosecco Crede de Bisol, qui est aussi parfois disponible en magnums (encore meilleur pour le partage!). Un mousseux qui ne cherche pas à se prendre pour un autre, qui rafraîchit, qui divertit et qui se vide plus vite qu’on ne le pense.

En blanc, on cherche un vin qui possède à la fois une ampleur en bouche pour plaire mais une acidité assez vive pour soutenir la chaleur d’une chaude journée d’été. Disponible dans près de 200 succursales au moment d’écrire ces lignes, le Atlantis 2013 d’Argyros correspond parfaitement à tous ces critères. En plus, il est confortablement sous la barre des 20$, ce qui le rend autant plus attrayant.

En rouge, le fin de partage par excellence est un bon Beaujolais de qualité. De grâce, restez loin du Brouilly de Georges Duboeuf qui est plus proche de l’eau que du vin et optez plutôt pour un autre pionnier du Beaujolais, Jean-Paul Brun. Fait des vieilles vignes du domaine, la cuvée l’Ancien est vinifiée à la bourguignonne, avec un égrappage complet et un vieillissement en (vieilles) barriques. On n’y trouve que 12% d’alcool et un glou-glou à tout casser. Il sera parfait à l’apéro sur la terrasse, avec des cochonnailles de qualité. Ah! Je viens de me trouver un plan pour lancer la fin de semaine en beauté!

Une bouteille âgée à ne pas manquer

Il est plutôt rare que des vieux millésimes fassent leur apparition sur les tablettes de la SAQ. Il est encore plus rare que ceux-ci soient abordables. L’exception qui confirme la règle est toutefois de retour en magasin: le Taurasi Radici Riserva de Mastroberardino.

L’appellation Taurasi est située en Campanie, dans le sud de l’Italie et produit des vins à base d’aglianico, un vieux cépage probablement amené là par les Grecs. Il était mentionné par Pline l’Ancien comme un des cépages les plus qualitatifs de la région.

La maison Mastroberardino est le pionnier de la viticulture en Campanie. La maison actuelle a été fondée en 1878, mais la famille fait du vin depuis 11 générations, comme on en retrouve parfois en Italie (on pense entre autres à Antinori et Frescobaldi en Toscane). À un certain point, Mastroberardino produisait près de 90% de tout le vin de l’appellation, mais puisque celle-ci connaît une renaissance depuis une dizaine d’années, ce pourcentage est en forte diminution.

Ceci étant dit, les seuls Taurasi que l’on retrouve à la SAQ sortent des caves de Mastroberardino. Le Radici Riserva est présent dans le millésime 2008 mais aussi (et surtout!) dans le millésime 1998, même si le site de la SAQ liste le millésime 1999.

Quinze ans plus tard, les tannins sont bien fondus et le nez est définitivement sur les notes tertiaires de champignon, sous-bois et thé noir. Le fruit n’est pas tout à fait disparu par contre, mais les fraises ne sont certainement pas à l’avant-plan. En bouche, on goûte la douceur que seul le temps peut apporter. Toutes les composantes du vin forment un tout cohérent et reste en équilibre. Il est toutefois une petite coche en-dessous du merveilleux millésime 1999 qui a garni les étalages de la SAQ l’année dernière, qui lui était en tous points exceptionnel. Le 1998 donnera beaucoup de plaisir dans un avenir rapproché, mais ça ne vaut pas la peine de le garder bien plus longtemps.

On idéalise souvent les vieux millésimes, mais la réalité est que peu de gens ont vraiment une expérience de dégustation avec ce type de vin et que ça ne plaît définitivement pas à tous! Considérant que le même vin se vend environ le double du prix aux États-Unis, on serait fou de s’en passer. Sautez le Starbucks pour quelques jours afin de vous offrir cette bouteille et célébrer un événement heureux qui s’est passé pour vous en 1998!