La tyrannie du score – Suckling à la SAQ

À l’instar de l’année dernière, la SAQ prépare une promotion qui mettra en valeur des vins recommandés par le critique américain James Suckling.

James Suckling
James Suckling
Parmi les vins en vente, on retrouve des vins dans plusieurs gammes de prix, qui sont parfois déjà en vente en succursales. Par exemple, le Godello Valdesil Valdeorras 2010 s’est mérité la cote de 91 points, Les Argiles de François Chidaine Vouvray 2009 a 93 points et le Palazzo Brunello di Montalcino 2004 mène le bal avec 94 points. La liste complète est disponible sur le forum fouduvin.ca, mais l’inscription (gratuite) est nécessaire pour la consulter. On note que la majorité des vins sont déjà en vente en ce moment. La promotion sera lancée le 2 février et n’est pas associée à un rabais sur ces produits.

Ce qui me dérange le plus dans cet arrivage, outre le recourt à un critique américain alors qu’on n’en manque pas de bons au Québec, est l’utilisation qui est faite des cotes accordées par le critique au vin. Lors de la promotion de l’année dernière, les vins étaient identifiés par une photo du monsieur, avec le score bien en évidence. Il n’y a toutefois pas d’autre information qui permettrait de guider le consommateur.

Par exemple, mon ami Le Cave à Vins sur fouduvin, décrit le Cheverny Le Pressoir (92 points) comme étant “un joli vin, soit dit en passant. Léger et sans façon, mais avec de la personnalité.” C’est à des lieues de ce qui ressort du personnage, qui met souvent l’emphase sur les vins plutôt puissants et forts en gueule. Un amateur qui cherche un vin qui serait typiquement recommandé par Suckling serait plutôt déçu.

Résumer un vin en un seul chiffre est un exercice dangereux. On évacue tout le contexte, toutes les nuances et toute la subjectivité que représente l’appréciation d’un vin pour n’en retenir qu’une infime partie.

La morale de cette opération marketing? Probablement la même morale qu’à l’habitude… Il faut se renseigner sur les vins que l’on achète et chercher à savoir s’ils sont compatibles avec nos goûts et notre palais. Ça tombe bien, c’est une de mes résolutions cette année.

Une petite histoire de lots

Je ne m’en cacherai pas, les Produttori del Barbaresco font partie de mes producteurs préférés. En partie à cause de mon amour du nebbiolo, en partie à cause de mon amour du Piedmont et probablement aussi un peu à cause que j’aime voir une cave coopérative avoir un tel succès.

Fondée en 1958, la coopérative regroupe 56 producteurs qui cultivent près de 100 hectares de vignes. On y produit 3 gammes de produits: le Langhe Nebbiolo (que j’appelle amicalement Le petit vin de la Coop…), un Barbaresco normale et, dans les bonnes années, une série de 9 cuvées parcellaires.

Barbaresco
Barbaresco

Dans une dégustation de Barbaresco du millésime 2005 du New York Times l’année dernière, 3 cuvées parcellaires des Produttori ont fini dans le top 10, avec des commentaires élogieux sur la maison.

For years, the Produttori del Barbaresco, a leading cooperative producer, has been a favorite of mine both for the quality of its wines and the great value they offer. In addition to its straightforward Barbaresco, the co-op produces nine single-vineyard riservas, which must be aged for four years before release and which offer an exceptional introduction to the various terroirs of Barbaresco.

Three of the riservas made our top 10: the gentle, accessible Ovello; the graceful Rabajà; and the tight, tannic Montestefano. At this point in their development, each seemed to show direct, forthright flavors, perhaps lacking a bit in complexity. Give them 10 years, though, and, if experience is any judge, they will be absolutely delicious.

En 2006, l’histoire se complexifie légèrement. Le millésime est généralement considéré comme très bon, ce qui aurait dû mener à la mise en disponibilité des cuvées parcellaires. Toutefois, pour des raisons commerciales, la coopérative a décidé de ne pas produire ces cuvées en 2006, afin de ne pas inonder le marché puisque 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 ont toutes été des années exceptionnelles, avec des vins de haut niveau. Le jus qui était destiné à ces cuvées a donc été utilisé pour produire le Barbaresco normale.

Et c’est là qu’entre en jeu cette histoire de lots, et le flou artistique qui l’entoure. La décision de ne pas produire ces cuvées est arrivée très tard dans le processus, alors que le premier lot était déjà embouteillé. Le jus des cuvées parcellaire diffère donc selon le moment de production de la bouteille et les détails de l’assemblage ne sont pas connus précisément. Certaines sources affirment que ces lots contiennent jusqu’à 40% de jus destiné aux cuvées supérieures.

Pour le consommateur québécois, deux lots différents ont été mis en vente à la SAQ. Initialement offert dans le Cellier de mars 2011, ce lot est le 09.120 qui contient entre 0 et 25% de jus de Riserva, selon les sources. Il y a récemment eu un deuxième arrivage, cette fois du lot 10.161, qui contient jusqu’à 40% de jus de cuvées parcellaires. Il en reste quelques unes dans le réseau, si vous voulez un nebbiolo de haut niveau à un prix raisonnable, courez à la succursale la plus proche…

Loin de la caricature | Menetou-Salon Morogues 2008 Domaine Pellé

Le sauvignon blanc ne fait pas partie de mes cépages préférés. J’ai souvent été confronté à la version néo-zélandais (ou est-ce sud-africaine…?) et je dois admettre que ce n’est pas ma tasse de thé. On a plutôt l’impression de mettre le nez dans un sac de gazon coup plutôt que dans un verre de vin. Ainsi, j’ai peu exploré les différentes expressions du sauvignon.

Ce soir, en accompagnement d’une tarte tatin d’endives et de feta, on ouvre une bouteille de Menetou-Salon Morogues, du domaine Henry Pellé. Le domaine situé à Morogues fait du vin depuis le début des années 1970, tant dans l’appellation Menetou-Salon que dans la Sancerre voisine. Les 12 hectares de vignes sont pressés sans égrappage, ce qui, selon domaine, permet de presser les baies de manière plus délicate. Ensuite, la fermentation s’effectue avec les levures indigènes et le vin est ensuite élevé 6 mois en cuves d’inox.

Menetou-Salon Morogues 2008 - Henry Pellé
Menetou-Salon Morogues 2008 – Henry Pellé

On y retrouve certainement les traits classiques du sauvignon blanc, à savoir un caractère végétal couplé à des notes de fruits tropicaux. Toutefois, ici on est loin de de la caricature qu’on retrouve parfois dans l’hémisphère sud. Les notes minérales provenant de la marne kimméridgienne (j’aurais difficilement pu inventer ça moi-même, mais ça se glisse bien dans une conversation… la définition est ici) et permettent d’ajouter fraîcheur et complexité à l’ensemble.

On est loin de la caricature et c’est tant mieux.

Donnez-moi du nebbiolo et rendez-moi heureux

Servez-moi un nebbiolo et je serai heureux.

C’est en somme la conclusion à laquelle j’en arrive après avoir ouvert une bouteille de Langhe Pio Cesare 2008. Je n’ai pas trouvé encore ce qui vient tant me chercher dans les vins produits à partir de ce cépage… C’est peut-être la structure tannique, le savoir-faire accumulé depuis que le baron Cavour et l’oenologiste Louis Oudart ont mis au point la version moderne du Barolo ou, comme l’ami Rémy Charest, que ça ne goûte pas que le fruit. Et en plus, le Piedmont, ça rappelle des beaux souvenirs de voyage.

Vignoble de Il Bricco - Treiso (Barbaresco) - Pio Cesare
Vignoble de Il Bricco - Treiso (Barbaresco) - Pio Cesare

On retrouve dans le Pio Cesare une belle expression du nebbiolo, avec sa poigne sérieuse, son nez floral et sa couleur brique. Il est toutefois déjà bien approchable malgré son jeune âge, bien qu’il soit préférable pour le moment de le servir avec un morceau de viande substantiel afin que le vin n’écrase pas ce qui se trouve dans l’assiette. Si vous en avez plusieurs exemplaires, ouvrez-en un dès maintenant pour voir de quoi il se chauffe et laissez les autre filer pendant quelques années, le vin vous le rendra bien.

Le paradis (américain) du pinot noir

Lorsqu’on pense à l’Oregon, les principales images qui viennent en tête sont celles de la côte Pacifique sauvage et des forêts de cèdres géants. Ce ne sont pas nécessairement des conditions que l’on associe spontanément à la viticulture de haut niveau. Toutefois, cette industrie se développe de manière importante depuis les 30 dernières années, avec un buzz particulier autour des vins produits à partir du pinot noir. De retour de quelques jours dans cet état où les visites de vignobles ont constitué un élément central, bref tour d’horizon.

Dans les vignes de pinot chez Lenné
Dans les vignes de pinot chez Lenné

Un bref historique

Les premiers producteurs à s’établir en Oregon sont arrivés dans la région de Dundee en 1965, maintenant l’épicentre de l’industrie viticole oregonaise. Des producteurs, principalement californiens, commencent à découvrir les collines au sud de Portland. La reconnaissance internationale se pointe le bout du nez au début des années 1980, avec des commentaires élogieux de Robert Parker et du Wine Spectator. L’industrie prend ensuite de l’ampleur: des premières AVA déclarées en 1984 (Willamette Valley et Umpqua Valley), on en compte maintenant 16, réparties un peu partout dans l’état.

L’Oregon est alors de plus en plus comparé à la Bourgogne, avec un climat frais, surtout lorsque comparé à la Californie voisine. Il n’y fait jamais vraiment chaud ni froid, La majorité des vignobles se situent dans la vallée de la rivière Willamette, qui occupe environ la moitié nord de l’État à un peu plus d’une heure de route de la côte. On y plante principalement du pinot noir (pour plus de la moitié de la production), du pinot gris (environ 15%) et du riesling. Suivent ensuite du chardonnay et un peu de cabernet sauvignon, surtout planté dans le sud de l’État.

Les collines au nord de McMinnville

Au nord de McMinnville, il faut se perdre dans les petites routes et découvrir les vignobles au détour d’une colline. Alors que la plupart des touristes se dirigent dans les collines de Dundee, la zone un peu plus à l’est près de Carlton permet de fuir un peu les foules et connaître des producteurs un peu plus petits.

Domaine Belle-Pente
Domaine Belle-Pente

Armés de la carte des vignobles de l’association des producteurs de la Willamette Valley, qui est d’ailleurs très bien faite, nous avons mis le cap vers Lenné Estate, une des belles surprises de la région.

Produisant du pinot à partir de vignes plantées à flanc de colline entre 300 et 600 mètres plantées depuis 2001, Lenné offre trois gammes de produits: le LeNez d’entrée de gamme, le Lenné Estate et des cuvées produites entièrement d’un même clone de pinot. Alors que le LeNez 2009 présentait un côté bonbon un peu dérangeant, le Lenné Estate 2008 offrait un profil plus sérieux tout en gardant résolument un pied au Nouveau Monde. Très réussi!

Chez Brick House, nous avons fait la connaissance d’un chardonnay résolument moderne, de deux pinots (Les Dijonnais et la Cuvée du Tonnelier) particulièrement bien faits. Ce que j’en retient tout de fois est le Gamay 2010 tout juste revenu de l’étiquetage. La jeunesse y était évidente, le fruit tout à l’avant plan et notes épicées classiques de ce cépage. Le millésime 2008 acheté au restaurant La Rambla le lendemain soit était définitivement plus mature et plus placé. De plus, c’était le vin le moins dispendieux de la gamme, qui pourrait s’en plaindre!

Dans les vignes chez Domaine Drouhin. Les rangs les plus serrés rencontrés de tout le voyage!
Dans les vignes chez Domaine Drouhin. Les rangs les plus serrés rencontrés de tout le voyage!

Nous avons mis un peu de temps pour trouver la minuscule salle de dégustation de Daedalus Cellars, cachée dans un building plutôt anonyme. En bon québécois, on pourrait qualifier cet arrêt de “guess heureux” du voyage. Sans avoir pu obtenir bien des détails sur les vins au-delà de ce qu’on trouve sur la fiche technique, les vins se sont démarqués du lot. J’ai particulièrement aimé le Pinot Noir Willamette Valley, qui possède la structure qui manquait dans beaucoup d’autres vins goûtés dans la région. Le tout pour un raisonnable 25$, une aubaine pour la région. Leur approche de vinification, proche du mouvement du vin naturel transparaît dans la qualité de ce qu’on retrouve dans la bouteille. Chapeau!

Finalement, c’est dans les Dundee Hills que nous avons rencontré les plus gros domaines, où l’expérience de dégustation était plus commerciale, voire industrielle. Au Domaine Drouhin, les vins étaient superbes mais la salle de dégustation était bondée; il est probablement judicieux de réserver une visite en prenant un rendez-vous à l’avance. Par contre, une fois qu’on a pu accrocher un employé pour une dégustation, tout s’est très bien passé. Le Domaine Serene fut la visite la plus chère que nous avons fait et rien ne nous a marqué… Chez DePonte Cellars, seul un Melon de Bourgogne servi en guise d’apéro nous a séduit. Comme quoi on peut trouver de tout, même dans les régions les plus réputées.

En descendant vers la Californie, la découverte vinicole était toujours au menu, entre autres avec des arrêts chez St-Innocent Winery et chez Abacela. Mais comme ça en fait beaucoup à raconter, on va garder ça pour la prochaine fois!