On ne se le cachera pas, pour la moyenne des ours, l’importation privée intimide. Plus souvent qu’autrement, on rencontre la bouteille d’importation privée au restaurant, dont le sommelier vante la petite production tirée des 2.3 hectares de vigne léguées par l’arrière-grand-père, le petit coin de pays que personne ne connaît encore et le fait qu’elle ne soit pas disponible sur les tablettes des succursales de la SAQ.
Il est effectivement un peu difficile de s’y retrouver, puisque les agences sont souvent petites et orientent principalement leur offre vers les restaurants, qui sont forcément leurs plus gros acheteurs. Ceci ne devrait pas vous arrêter, puisqu’il est très facile de mettre la main sur des vins d’importation privée, une fois qu’on a décidé le vin que l’on veut acheter.
Pour ce faire, profitez de l’occasion qui s’offre à vous cette fin de semaine à Montréal, le 8e Salon des Vins d’Importation Privée, organisé par le RASPIPAV. Une vingtaine d’agences était présente à Québec ce jeudi afin de faire découvrir leurs produits aux restaurateurs et aux membres des médias, dont voici quelques coups de coeur. Comme dans beaucoup de salons, peu importe le nombre de vins dégustés, il en reste toujours 3 ou 4 qui ressortent clairement du lot…
Lorsqu’on est dans le business du vin depuis 1385 – 26 générations! – la tradition est un concept avec lequel on doit vivre à tous les jours. De la fondation de la maison il y a plus de 600 ans jusqu’à nos jours, Antinori s’est forgé une place de choix dans l’échiquier vinicole mondial, tout en conservant son coeur fermement toscan.
Francesco Visani – Antinori
Le sympathique Francesco Visani, responsable des clients privés chez la maison Antinori, était de passage à l’Échaudé à Québec pour faire découvrir la gamme de vins de la famille à un petit groupe de journalistes et de passionnés de vin, dont j’ai eu la chance de faire partie. Ainsi, pendant cette soirée pluvieuse d’automne, la chaleur toscane est arrivée parmi nous.
Depuis le quartier général de la maison à Florence, la famille possède 6 domaines en Toscane, dont les noms vous seront familiers: Tignanello, Guado al Tasso, Pian delle Vigne, Badia a Passignano, Peppoli. À ce coeur s’ajoute entre autres un domaine dans les Pouilles (Tormaresca), au Piémont (Prunotto), en Ombrie (Catello della Sela) et aussi quelques établissements dans le Nouveau Monde, en Californie, dans l’état de Washington et au Chili. Bref, la gamme produite est large et peut accommoder une grande variété de palais et de portefeuilles. De plus, chacun de ces domaines est géré de manière indépendante et élabore le vin selon les coutume locales: ce n’est pas la famille qui va imposer des manières de faire qui vont à l’encontre de ce qui s’est toujours fait sur place.
Le grand classique de la maison, depuis près de 100 ans est le Villa Antinori. Une valeur sûre année après année, autant dans sa version blanche que rouge, tellement qu’il a été choisi par les ambassades d’Italie comme leur vin officiel, à la grandeur de la planète. Au Québec, il est disponible régulièrement à la SAQ Dépôt, ce qui le rend 15% plus attrayant…! Servez-le en accompagnement d’une des premiers braisés de l’automne et il brillera à table.
Une partie des rouges de la soirée
Mon coup de coeur de la soirée va au Chianti Classico Riserva Marchese Antinori. Provenant des vignobles de Tignagnello, Badia a Passagiano et de Pèppoli, il a été ma surprise de la soirée et est le verre qui s’est vidé le plus vite au cours du repas. On est clairement en Italie, avec une acidité bien présente et les tanins un peu rustiques du sangiovese, avec une rondeur et une profondeur certaine apporté par le 10% de cabernet sauvignon qui complète l’assemblage. Pour 35$, il s’agit d’un excellent rapport qualité-prix, qui se bonifiera admirablement bien dans le temps.
Quant au Tignanello, le millésime 2012 dégusté est un véritable bébé, mais qui montre déjà sa grande classe. L’équilibre est là et la longueur en bouche est impressionnante. C’est toutefois avec une bouteille de 2001 (merci infiniment, M. Beauchemin!) qu’on mesure toute l’ampleur de ce que ce vin peut donner. Immense encore après 15 ans, droit et tout juste fondu, cette bouteille était spéciale et donne immédiatement le goût d’en mettre quelques unes de côté pour les enfants…
Finalement, si vous avez des bouteilles de Guado al Tasso 2011 en cave, laissez-les filer pour quelques années encore avant d’ouvrir votre première. Toute jeune, celle dégustée mettait beaucoup à l’avant plan le côté un peu vert du cabernet franc utilisé dans l’assemblage. Presque dérangeant au début, il s’est finalement bien intégré dans l’ensemble au fil de la soirée, ce qui laisse entrevoir des belles choses pour l’avenir.
Ce que j’en retiens de la soirée? Lorsqu’on fait du vin depuis si longtemps, on a certainement compris un peu comment ça marche. La preuve de tout ça est dans l’esprit typiquement italien qu’on retrouve dans chaque bouteille. Ouvrez en une (ou deux, ou trois!) et vous verrez bien!
Merci à Marie-Lou Vermette de Mark Anthony Brands pour l’invitation à la soirée.
Lundi matin, j’ai rendez-vous avec Véronique Hupin, du vignoble Les Pervenches à Farnham. En arrivant sur place, je trouve un écriteau tout simple dans la porte: “Nous sommes présentement au champ. Appelez-nous avec le walkie-talkie ou klaxonnez!” Ça annonçait une rencontre en toute convivialité et j’admets que j’avais bien hâte d’enfin croiser l’autre moitié du duo qui produit selon moi le meilleur vin au Québec…!
Lorsque Véronique Hupin et son conjoint Michael Marler on mis la main sur le vignoble en 2000, c’était d’abord et avant tout pour ses vignes de chardonnay plantées en 1992. Cultivé en bio depuis 2005 et certifié en biodynamie depuis 2007, ce choix était une évidence pour le couple, malgré les défis particuliers que pose la culture de la vigne au Québec. Au total, les trois hectares de vignes produisent environ 17 000 bouteilles annuellement.
Triée de sa séance de désherbage, on retourne illico se promener dans les vignes, pour constater l’avancement du millésime 2015. Le chardonnay et le seyval se portent très bien et le zweigelt, qui forme une cuvée particulière depuis le millésime 2014 semble avoir plutôt bien survécu au gel du 30 mai et au mois de juin gris et pluvieux. À date, tous les espoirs sont permis pour avoir une belle réussite en 2015.
Tout au fond du vignoble, adossé au bois se trouve la parcelle Le Couchant, d’où provient la cuvée phare du domaine. C’est là qu’on retrouve les plus vieilles vignes de chardonnay, plantées en 1992. Le sol y est principalement argileux, avec une bonne dose de cailloux. En s’approchant de la route, le sol devient plus sablonneux, ce qui permet de bien drainer la pluie qu’on a souvent pendant nos superbes étés québécois. C’est là qu’on retrouve la parcelle Les Rosiers. Entre les deux, le seyval et quelques rangs de pinot noir. Sur le bord de la route, des jeunes rangs de pinot gris (qui ne sont pas vinifiés encore).
Le vignoble des pervenches. Au fond, près du bois, Le Couchant et au centre-gauche de la photo, Les Rosiers.
On ne va pas aux Pervenches pour être renversé par les installations et le côté spectaculaire de la salle de dégustation, même si on y fera assurément une rencontre avec quelqu’un de passionné par les produits du domaine… Les efforts sont définitivement mis dans les vins et dans le vignoble, impeccablement tenu.
On y offre en dégustation présentement le Seyval-Chardonnay 2014 de même que le Chardonnay Les Rosiers 2014, les seuls produits du domaine qui ne sont pas sold-out au moment d’écrire ces lignes. Le premier est un blanc rafraîchissant, droit et élégant, qui servira de preuve à tous ceux qui disent qu’on ne peut rien faire de bon avec un cépage hybride. L’assemblage change à chaque année afin de garder une continuité dans le style. Le second, composé à 100% de Chardonnay, rivalise avantageusement avec les autres chardonnays de climat froid. Il sait allier à merveille le côté fruité du chardonnay lorsqu’il est cultivé dans un climat frais, élevage et minéralité.
Si vous le pouvez, tentez de garder quelques bouteilles de côté: ce sont des vins qui vieilliront certainement admirablement bien. Véronique mentionnait que des fioles de 2003 se portent encore très bien, même si le style (et le climat au Québec!) a passablement évolué depuis ce temps.
J’ai aussi eu la chance de goûter au Chardonnay Le Couchant 2014, tiré de la cuve qui a été assemblée il y a à peine une semaine. Contrairement au 2013 où l’élevage était bien marqué, ce qui ressort de la cuvée 2014 est une formidable énergie. La bouche allie à la fois puissance et élégance et semble interminable.
La mise en disponibilité est prévue en septembre prochain; marquez vos calendriers et prévoyez une petite visite à Farnham…!
Les vins en importation privée sont de plus en plus présents sur nos tables, principalement celles du restaurant et de quelques amateurs de vins motivés. Bien que la procédure de commande soit assez simple, l’étape la plus compliquée est d’identifier les produits et de savoir quoi commander. Le nombre d’agence d’importation est en augmentation croissante et, puisque ce sont souvent des petites compagnies, la recherche d’informations sur le portfolio de chacun est une tâche un peu complexe.
Le 28 avril dernier avait lieu à Québec le Printemps Dézippé, organisé par le Raspipav, un salon des vins regroupant 25 agences d’importation centrés sur les vins d’importation privée. Voici donc un bref retour sur mes coups de cœur de ce petit salon.
Agence Boires
Jeune agence qui a fait son apparition sur le radar en 2014 et je retiens particulièrement les produits de la nouvelle génération de vignerons californiens. Chez Hobo Wine Company, on retient le cabernet sauvignon sous les 13% d’alcool sans sacrifier le caractère classique du cabernet et le zinfandel aucunement compoté ou lourdaud, comme ils le sont trop souvent. Chez leur autre marque, Make Work, le Fossil & Framework marque les esprits malgré son prix qui frise les 50$ (maudit taux de change…). Ici, syrah, grenache et counoise s’allient dans un assemblage entre le Rhône et la Californie, tout en conservant une fraîcheur exemplaire.
Le reste du portfolio est à l’avenant (Ampelos, Horse & Plow, The Wonderland Project), mais en sortant de la dégustation je me suis commandé The New California Wine de Jon Bonné, pour mieux comprendre ce que font ces nouveaux joueurs.
Vinealis
On avait de la grande visite au stand de Vinealis, en la personne de François Morissette. Vigneron de talent et de conviction, formé en Bourgogne et établi dans le Niagara, vous avez peut-être entendu parler de lui l’an dernier pour ses démêlées avec le VQA, l’organisme de certification pour les vins ontariens.
François Morissette
À la dégustation de la gamme de vins qu’il avait amené, on remarque que tous allient une formidable ampleur en bouche avec une fraîcheur qui garde l’ensemble sur un équilibre difficile à atteindre. Je retiens particulièrement le Riesling Redfoot Kocsis Vineyard 2013, complètement sec et très bien tendu et le Gamay ‘Unique’ 2013, dont la bouteille se serait vidée en moins de deux si on m’avait laissé seul avec elle et un plateau de charcuteries… L’ensemble de la gamme est recommendable et vous pouvez y commander les yeux fermés, à condition de m’en laisser un peu.
Ward & Associés
Je connaissais Ward & Associés pour leur beau portfolio de vins allemands, j’étais donc plutôt heureux de voir trôner à leur stand un (joli) magnum de riesling de chez Clemens Busch: un vin qui ne niaise pas pour aller du point a au point b, tendu au possible comme les grands rieslings allemands peuvent l’être. Pour environ 60$ le magnum, il s’agit d’un achat avisé pour encaver très (très) longtemps.
Viñedo Silvestre (Source: Ward&Associés)
Le vin qui brillait à cette table provenait d’un vignoble particulier. Planté en 1945 sur une superficie de 300 hectares, ce vignoble gouvernmental visant l’étude du carignan au Chili a été abandonné en 1960 et 4 hectares sont tombés dans l’oubli alors que le reste était reconverti pour l’industrie forestière, plus payante. Aujourd’hui, les vignes poussent au-travers des buissons, à l’état sauvage. Au-delà de l’aspect bucolique de la chose, le Viñedo Silvestre de Villalobos est vachement bon. On est en présence d’un carignan floral et aérien, qui assume totalement le terroir solaire dans lequel il est planté.
On entend de plus en plus parler de produits en importation privée, ce canal d’achats de vins parallèle aux tablettes de la SAQ. Par contre, pour quelqu’un qui commence, ce monde peut être intimidant et déroutant.
Vous contactez l’agence qui le représente au Québec pour passer la commande avec eux
Vous ramassez le produit et payez directement à la SAQ (et parfois aussi une partie des frais à l’agence).
Le principal défi réside dans la première étape, puisque le monde des IP est particulièrement vaste. On estime que le nombre de produits disponibles en importation privée est supérieur à l’offre de produits dans les succursales de la SAQ. Voici donc trois conseils qui permettront de vous y retrouver et de dénicher ces produits d’exception.
1 – Avoir des sources de confiance
Bill Zacharkiw – Source: twitter.com
Il est évidemment impossible de tout goûter et il est parfois nécessaire d’acheter “à l’aveugle”… Heureusement, certains membres des médias se dévouent pour vous et publient leurs commentaires. Encore faut-il que le palais du commentateur soit compatible avec le vôtre, mais lorsque vous avez trouvé, vous savez que vous pouvez vous fier au jugement de celui-ci.
C’est évidemment en goûtant autant que possible qu’on se construit un bagage et qu’on vient à découvrir des produits. Par exemple, il ne faut pas manquer le Salon International des Vins et Spiritueux de Québec, du 13 au 15 mars prochain. C’est l’occasion de pouvoir essayer plusieurs vins différents, discuter avec les producteurs et agents qui seront présents et, surtout sortir des sentiers battus.
À Montréal, les activités sont particulièrement intenses au mois de novembre, mais restez à l’affût des nouvelles émanant des différents bars à vins de la ville (Pullman, Vin Papillon et Les Cavistes). Aussi, le festival Montréal en Lumières, qui aura lieu du 19 février au 1er mars, offre toujours un volet gastronomique intéressant qui met en vedette la Suisse cette année.
3- Les vins à emporter
Initialement issu d’un jugement qui autorisait St-Hubert à offrir des produits alcooliques avec des repas à emporter, le concept a été repris par certains restaurateurs. Ainsi, à l’achat d’un repas à emporter, il est aussi possible d’acheter une (ou plusieurs) bouteilles de vin. Un pionnier dans le domaine à Québec est Le Moine Échanson, qui propose une importante sélection de vins natures. On retrouve aussi le même concept chez Nina Pizza Napolitaine, qui offre une petite sélection lorsqu’on choisit d’emporter chez soi la meilleure pizza en ville.
Le Moine Échanson. Photo: Caroline Décoste – www.jesuissnob.com
Par contre, la réglementation fait que le vin ne doit pas être sur la carte régulière du restaurant (ou sinon, il doit être vendu avec le markup habituel du restaurant). Les restaurants qui appliquent ce concept de la bonne manière maintiennent deux listes différentes, ce qui permet de toujours avoir une belle disponibilité de produits.
Le monde des importations privées est vaste, il n’en tient qu’à vous d’aller le découvrir!