Cépages grecs 101

Depuis quelques années, les Grecs ont le vin dans les voiles. Eux qui font du vin depuis des millénaires, commencent à recevoir une reconnaissance au niveau international. Il faut dire que les quelques décennies à exporter surtout de la Retsina de qualité douteuse a endommagé l’image de marque du pays. Conséquence, les vins grecs disponibles sur les tablettes de la SAQ sont tous très abordables et présentent des rapports qualité-prix avantageux.

Alors que la planète vin sort lentement mais surement de l’hégémonie des cépages internationaux comme le chardonnay, le cabernet-sauvignon et le merlot, les vins grecs peuvent faire peur aux non-initiés avec leurs noms de cépages à coucher dehors.

Voici donc un petit tour d’horizon des principaux cépages grecs avec, à la clé, quelques suggestions pour s’y retrouver!

Blancs

La Grèce produit des vins blancs en majorité, ce qui est plutôt surprenant puisqu’il s’agit d’un des climats les plus chauds en Europe. La clé du succès est l’utilisation des cépages indigènes qui conservent une bonne acidité malgré la chaleur intense.

Assyrtiko

C’est de l’île de Santorini que l’Assyrtiko est originaire, même s’il a trouvé une terre d’accueil sur le continent depuis quelques temps.

Santorini (Photo: Mariusz Kluzniak @ Flickr)
Santorini (Photo: Mariusz Kluzniak @ Flickr)

Amateurs de rieslings et de chablis, c’est le nom que vous devez retenir. Le terroir volcanique de Santorini a trouvé un cépage parfait pour s’exprimer. Les meilleurs vins possèdent un côté salin qui traduit bien le fait que le raisin pousse sur un caillou au beau milieu de la mer Égée.

Parmi les noms à retenir, Hatzidakis, que ce soit pour la Cuvée 15 ou son Assyrtiko de base. Ses vins disparaissent habituellement en moins de temps qu’il faut pour épeler Assyrtiko, alors si vous en voyez sur les tablettes, n’y pensez pas deux fois. (Profitez-en, le millésime 2015 vient tout juste d’apparaître!. Sinon, vous pourrez vous retourner sans craintes vers Lyrarakis ou Argyros.

Savatiano

Savatiano
Savatiano

Cépage à la base de la retsina, le Savatiano est aussi utilisé pour élaborer des vins secs, absents de toute résine. C’est le cépage le plus planté en Grèce, avec une production totale de 6 millions d’hectolitres (2010). Il produit des vins faits pour la table, qui vont à merveille avec à peu près tout ce qui vient de la mer.

Présent sur une base régulière sur les tablettes, le Savatiano de Papagiannakos est une valeur sûre et, pour ceux qui ont une mémoire visuelle, est facilement repérable grâce au joli coq sur l’étiquette. Il plaira particulièrement aux amateurs de chardonnay vifs et non-boisés.

Moschofilero

Amateurs de gewürztraminer et de muscat, le moschofilero est pour vous. On est en présence d’un cépage qui s’exprime sur des notes florales et épicées qui est parfois utilisé pour confectionner des vins de dessert. Sur les tablettes de la SAQ, celui du Domaine Tselepos est particulièrement recommendable.

Moschofilero
Moschofilero

Rouges

Xinomavro

On touche ici à mon cépage rouge grec préféré. Imaginons un cépage qui serait à la fois proche du pinot noir et du nebbiolo: il peut montrer une bonne acidité, des tanins bien présents et une puissance qu’on ne soupçonne pas au premier abord, car les vins qu’ils produits sont généralement peu foncés.

Xinomavro
Xinomavro

Les styles qui peuvent être obtenus avec le xinomavro sont particulièrement variés. Ça va du joli vin de soif avec le Jeunes Vignes de Thymiopoulos (un de mes préférés!) jusqu’au vin plus costaud élevé en barrique chez Alpha Estate. Son acidité et sa charge tannique lui permettront de vieillir en beauté, faites l’expérience avec la cuvée Entre Ciel et Terre de Thymipoulos: si vous êtes capables de l’oublier dans un coin de la cave pendant quelques année, il vous le rendra bien.

Agiorgitiko

C’est le cépage rouge le plus planté en Grèce. Ici, on est du côté plus costaud du spectre, avec une couleur nettement plus foncée que le xinomavro. Amateurs de merlot, vous y trouverez votre compte, d’autant que l’agiorgitiko est souvent utilisé en assemblage avec du cabernet sauvignon, comme dans ce vin du domaine Skouras. On peut aussi le retrouver en assemblage avec de la syrah dans les cuves du domaine Gaia.

Domaine Ligas Bucéphale 2007

Lorsqu’on sort au restaurant en groupe, c’est souvent à moi que revient la tâche de choisir le vin. Or, dans cette situation, j’essaie de trouver un vin qui va à la fois à la fois bien accompagner la nourriture que le groupe va commander, être un bon rapport qualité prix et, accessoirement, sortir un peu les gens de leur zone de confort.

C’est ainsi qu’au restaurant le Hobbit avec des collègues du bureau mon choix s’est orienté vers le Bucéphale 2007, de Ktima Ligas. Beaucoup de jolies choses sur leur carte des vins, mais un vin grec avec un peu d’âge vendu à prix correct comblait tout à fait mes attentes!

Bucéphale Xinomavro
Bucéphale Xinomavro

Thomas Ligas, formé en France, s’inscrit dans la mouvance minimaliste, n’effectuant que très peu d’interventions au champ et dans le chai. Les raisins sont vendangés manuellement, fermentés avec les levures naturelles puis vieilli en barriques et gardé en bouteilles au domaine avant la vente.

Dans le verre, toutefois, légère déception. Le vin montre clairement son évolution par son aspect tuilé dans le verre. Au nez, les notes de raisin sec et de prunes dominent et la bouche n’est pas particulièrement en équilibrée, avec une acidité marquée et une finale un peu courte. On a l’impression que le meilleur de ce vin est derrière lui, qu’il aurait été bien joli en jeunesse.

Selon ce que je peux trouver, le millésime 2007 semble être le millésime courant (!), mais si j’étais à la place du restaurant, je m’arrangerais pour vendre les bouteilles présentement en stock assez rapidement car je ne pense pas que ce vin va tenir la route encore bien longtemps… Dommage, lorsqu’on sait que le xinomavro peut donner de très beaux vins qui peuvent tenir la route pendant longtemps.

Un midi avec le Baron

Le Baron, c’est Francesco Ricasoli, le 32 baron de Brolio, de passage à Québec pour nous faire découvrir l’étendue du portfolio produit au Castello di Brolio, au coeur du Chianti Classico, à la frontière entre Siena et Florence.

Fort d’une tradition qui s’étend jusqu’au 12e siècle, la maison Ricasoli est intimement liée à l’histoire du Chianti. Le château est passé dans la famille en 1141 et depuis la propriété s’est étendue sur 1200 hectares, dot 230 sont plantés en vigne, ce qui en fait une des plus vieilles entreprises familiales au monde encore en activité!

Castello di Brolio, c’est plus qu’un château: c’est aussi une des pierres angulaires du Chianti. En effet le Baron Betttino Ricasoli qui a mis au point la formule du Chianti Classico en 1872, dans l’optique de faire compétition aux vins français de qualité. Le tout en prenant une part active dans le Risorgimento, servant comme le deuxième premier ministre de l’Italie unifiée.

Bettino Ricasoli
Bettino Ricasoli

C’est en 1993 que Francesco Ricasoli reprend le contrôle de la viticulture. Avant ça, c’était… compliqué. L’ensemble des 230 hectares a été replanté et c’est à partir de 2003-2004 que les changements apportés en cave sont arrivés à maturité. Beaucoup de travail a aussi été fait au niveau de la compréhension des terroirs différents qui composent le domaine, au point de produire maintenant deux cuvées parcellaires (Coledilà et Casalferro) sur les 7 ou 8 terroirs particuliers qui ont été identifiés.

Présents au Québec depuis 1959, les vins de Barone Ricasoli se sont taillés une place de choix sur les tablettes de la SAQ, plusieurs étant inscrits au répertoire régulier. Lors d’un dîner organisé par l’agence d’importation qui représente le domaine, on a pu avoir un bon aperçu de la gamme de vins disponibles au Québec.

La gamme en rouge de Castello di Brolio
La gamme en rouge de Castello di Brolio

Cuvée classique du domaine produite à la hauteur de 200 000 bouteilles par année, le Brolio est un beau vin de bouffe, principalement composée de Sangiovese (80%), avec un peu de merlot et de cabernet sauvignon. On aime son caractère classique et droit, sans pour autant verser du côté austère de la chose.

Pour souligner le 300e anniversaire de la désignation protégée Chianti, la maison a lancé le Brolio Bettino, en hommage à l’illustre aïeul qui veille sur le domaine. Ici, le vin est élaboré le plus près possible de la méthode originale développée par Bettino Ricasoli. Le Sangiovese prend une part plus importante dans l’assemblage, la maturation se fait en grandes foudres et le vin n’est pas filtré. Il se distingue du Brolio classique par son côté un peu plus rustique, mais on distingue clairement la parenté. Un vin plein d’énergie et qui en a beaucoup à donner. Disponible en importation privée pour environ 35$, il a été mon coup de coeur de la dégustation.

Un p'tit verre de 1927 avec ça?
Un p’tit verre de 1927 avec ça?

Les esprits de tous ont aussi été marqués par une bouteille de Brolio Rosso 1927 (oui oui, vous avez bien lu, 1927), qui a offert une grande expérience de dégustation. Cette bouteille marquait bien ses 89 ans, mais montrait encore un peu de fruits, même si ce n’était pas ce qu’on retrouvait à l’avant-plan. On pourrait la comparer à une grand-mère qui fait ses mots croisés à tous les jours et qui a gardé toutes ses facultés malgré son âge avancé. Pourquoi 1927? “C’était le vieux millésime dont il nous restait le plus au château!” a tout bonnement répondu M. Ricasoli lorsqu’on cherchait à savoir quelle importance prenait ce millésime dans l’histoire de Brolio!

De passage à Gaiole in Chianti? Le château est un joueur majeur dans la région au niveau du tourisme vinicole. Sinon, prenez un petit verre de Brolio avec un bistecca alla fiorentina et ça sera tout comme si vous y étiez!

Merci à Société des Vins Fins pour l’invitation à cette belle rencontre.

Mes vins signifiants: Cuvée 64

La bouteille n’a pour étiquette qu’un petit bout de ruban identificateur : Cuvée 64 et est certainement une des bouteilles les plus intrigantes qui trônent sur mon étagère de vins signifiants…

Dans la bouteille, du chardonnay vinifié en 2009 chez Closson Chase, dans Prince Edward County, Ontario. Un chardonnay comme je les aime, avec une fraîcheur assumée, un taux d’alcool sous contrôle et une texture riche apportée par l’élevage dans une vieille barrique, mais sans jamais que le bois ne prenne le dessus. À l’aveugle, on pourrait penser à un Bourgogne de belle facture.

Cuvée 64
Cuvée 64

Autour de la table, forcément, mon ami Rémy Charest qui a vinifié cette barrique en 2009 et qui prend un malin plaisir à servir ces bouteilles à l’aveugle lorsqu’on s’y attend le moins. Il a tenu tête à l’aveugle à un joli Puligny-Montrachet récemment et fait une forte impression lors de la soirée BYOB à Tastecamp 2013 en Virginie.

Au total, 72 bouteilles ont été produites et plusieurs se sont retrouvées dans quelques restaurants montréalais et québécois. Celle-ci provient de la cave de chez Joe Beef et j’ai insisté pour garder la bouteille vide, pour la mettre en cave. Avec une si faible production, je vois comme un signe de bonne amitié le fait que j’ai pu goûter à ce vin à 6 reprises au cours des dernières années…

Cheers Rémy et au plaisir de déguster ensemble ce que tu vinifieras à l’avenir!

Mes vins signifiants: Heart and Hands

Tastecamp, c’est un événement annuel regroupant blogueurs vins et journalistes qui vise à faire découvrir une région peu connue du grand public en rencontrant et en goûtant autant que possible pendant trois jours. Un sprint de dégustations et de rencontres, qui permet de se forger une bonne idée du potentiel de la région visitée.

En 2011, lors de ma première présence à Tastecamp, le groupe a investi la région des Finger Lakes, dans l’état de New York, au sud du lac Ontario. Je me souviens avec plaisir de plusieurs dégustations, mais ce fût la dernière visite qui était de loin la plus marquante.

Heart and HandsSitué un peu à l’écart du cœur de la région, Tom et Susan Higgins ont établi leur vignoble sur la rive est du lac Cayuga à cause de l’affleurement de calcaire qui compose le sous-sol de la propriété. Leur objectif était clair : faire du pinot noir de classe mondiale.

Ils nous ont reçu dans la cave, porté un toast avec un mousseux fabuleux, puis mené une dégustation de tout leur portfolio, nous montrant clairement que leur objectif était en voie d’être atteint. Leur pinot, tant la cuvée d’entrée de gamme que le Barrel Reserve, ne veulent pas imiter ce qui se fait en Bourgogne et ne présentent pas ce profil racoleur qu’on retrouve souvent dans les pinots californiens. Bref, un vin typiquement newyorkais.

On est évidemment repartis avec quelques bouteilles, ouvertes soigneusement en bonne compagnie. Lors de la dégustation Nouveau Monde des Vinssignifiants, le Pinot Noir 2009 (la cuvée d’entrée de gamme!) a fait sensation. C’est en accueillant le printemps avec une bouchée d’esturgeon fumé que la bouteille de brut rosé s’est frayé une chemin sur l’étagère des vins signifiants. Quant au Blanc de Noirs 2008 qui nous avait été servi en apéro sur place, on s’en est fait expédier à notre hôtel lors de notre passage à New York en décembre dernier…!

Chaque bouteille de chez Heart and Hands est spéciale pour moi, nous ramène dans les Finger Lakes, dans la douce chaleur du mois de mai et dans la bonne humeur de Tom et Susan. Je suis d’ailleurs dû pour y retourner!