Du Priorat, hors des rouges

Dans les collines du Priorat, il faut se forcer pour trouver autre chose que du vin rouge. On y vantera volontiers les mérites des vins à base de grenache et carignan élevés sur les sols de llicorella, le reste ayant souvent l’air d’une arrière pensée…. “Ah oui, on fait un peu de blanc aussi! Seriez-vous intéressés à y goûter?” m’a-t’on demandé à plus d’une reprise lors d’Espai Priorat à la fin mai. Pourtant, les blancs du Priorat est parmi ce qui m’a le plus enthousiasmé lors de mon séjour dans la région.

C’est un peu moins de 6% de la superficie totale du vignoble du Priorat qui est planté en cépage blancs. On y retrouve principalement du grenache blanc et du maccabeu, parfois accompagné de Pedro Ximénez. Provenant du champ gauche, on a quelques gens qui cultives du picapoll (oui oui, le cépage connu sous le nom de piquepoul dans le sud de la France) et un peu de chardonnay, qui n’y fait pas très bien.

Au niveau du profil, ils reflètent bien les coteaux ensoleillés d’où ils sont issus. On pourrait les comparer aux blancs du Roussillon, tout juste de l’autre côté des Pyrénées: avec un intense fruité et une présence en bouche large. Ce ne sont pas des vins blancs qui sont construits autour de l’acidité comme on retrouve dans des contrées plus nordiques. Toutefois, la llicorella qui forme la base géologique de la région permet de garder le tout avec une bonne acidité, malgré la chaleur ambiante.

On n’en retrouve que 4 Priorat blancs sur les rayons de la SAQ, dans le meilleur des cas les vins ci-dessus sont disponibles en importation privée. Si vous trouvez un exemplaire du Barranc dels Clossos de Mas Igneus dans une succursale près de chez vous (ils se font rares!), n’hésitez pas, il s’agit d’une belle introduction aux blancs de la région. Le Onix Classic de Vinicola del Priorat m’avait semblé quelque peu générique lorsque dégusté là-bas… Il ne s’agit pas d’un mauvais vin, mais il n’est pas aussi excitant que celui de Mas Igneus. Quant au Nelin de Clos Mogador, il s’agit d’un vin hors normes, composé de près d’une dizaine de cépages, avec un peu de macération pelliculaire, etc. Un très beau vin, mais pas nécessairement représentatif de ce qui se fait dans la région.

Pour ce qui est de mes autres découvertes, le Vi Ranci – un vin oxydatif habituellement à base de grenache, un peu comme les banyuls, et les Vermuts locaux, il faudra se rendre sur place, puisque ceux-ci ne sont à peu près pas exportés. On y est très collé à la notion de terroir, de savoir faire des Hommes qui font ce qu’ils peuvent avec ce que la nature leur offre.

Déguster dans un abbaye millénaire: check.
Déguster dans un abbaye millénaire: check.

Si c’est ce que ça vous prend pour aller visiter le Priorat, sautez dans un avion à destination de Barcelone plus tôt que tard, la région vous le rendra bien.

Trois vins pour bien boire à bon prix

Un classique du mois de janvier est de diminuer le prix général des vins qu’on ouvre et qu’on achète. Après tous les excès des Fêtes, janvier est généralement un mois qui mise sur la retenue. Voici quelques découvertes récentes qui aideront à la fois votre porte-feuille et votre palais à se remettre d’un gros mois de décembre.

Faire sa place au soleil

Les vins grecs sont en pleine essor depuis quelques années, notamment grâce au travail de l’agence Oenopole (et de Théo Diamantis!) qui ont fait la belle part aux vins du pays de Platon dans leur portfolio. Une fois qu’on passe par-dessus les noms de domaines difficilement prononçables et les cépages qui leurs sont propres, on découvre des vins qui allient magnifiquement le soleil et la mer, qui baignent tous deux le pays.

Un classique sur lequel je suis revenu après avoir manqué quelques millésimes est le Savatiano Vieilles Vignes de Papagiannakos, dont les vignes sont situées à un jet de pierre de l’aéroport d’Athènes, où on cultive la vigne depuis des millénaires. Ce n’est pas un vin qui se démarque d’une manière précise, mais l’ensemble est tellement harmonieux qu’il prend sa place tout naturellement à table avec tout ce qui sort de la mer, agrémenté d’un simple trait de jus de citron et d’huile d’olive. On laisse la place à la mer dans l’assiette et dans le verre pour un accord qui marche drôlement bien. Pour 16$ et des poussières? C’est un No Brainer comme dirait l’autre.

Pôpa Friends

J’ai été enchanté de voir apparaitre dans un récent arrivage Cellier le Contos da Terra, produit apr les amis de Quinta da Pôpa, dans la vallée du Douro. Le vin d’entrée de gamme du domaine, produit avec les jeunes vignes, me ramène sur les terrasses qui surplombent Pinh?o, au coeur du pays du Porto. Il fait soleil dans ce verre qui déborde de fruits, mais on évite de tomber dans le piège de la surextraction et de l’alcool trop présent (il titre que 13.5%). Autour de 16$ on ne demandera pas la lune en terme de complexité (on se tourne vers leur Vieilles Vignes 2008 pour ça), mais on a vu le fond de la bouteille beaucoup plus vite qu’initialement anticipé!

Une aubaine en Bourgogne, vraiment?

Les amateur de Bourgogne qui cherchent les aubaines sont plutôt déprimés par les temps qui courent. Quelques maigres récoltes dues aux conditions climatiques défavorables et la demande qui explose pousse les prix à la hausse let les acheteurs comme moi hors de la Côte d’Or. Il est toutefois possible de trouver de la belle Bourgogne à prix décent, si on choisit de s’éloigner un petit peu.

Le Bourgogne Rouge L’Oeuvre de Perraud Les Forêts saura étancher la soif dudit amateur de Bourgogne qui ne veut pas avoir à sauter un paiement d’hypothèque pour se payer du vin. C’est un Pinot de soif, frais et gouleyant sur les petits fruits rouges et tout en légèreté et en finesse. Un fruité pur pur pur et beaucoup de bonheur dans la bouteille, qui saura vous accrocher un sourire aux lèvres. Il l’a certainement fait pour moi!

Cépages grecs 101

Depuis quelques années, les Grecs ont le vin dans les voiles. Eux qui font du vin depuis des millénaires, commencent à recevoir une reconnaissance au niveau international. Il faut dire que les quelques décennies à exporter surtout de la Retsina de qualité douteuse a endommagé l’image de marque du pays. Conséquence, les vins grecs disponibles sur les tablettes de la SAQ sont tous très abordables et présentent des rapports qualité-prix avantageux.

Alors que la planète vin sort lentement mais surement de l’hégémonie des cépages internationaux comme le chardonnay, le cabernet-sauvignon et le merlot, les vins grecs peuvent faire peur aux non-initiés avec leurs noms de cépages à coucher dehors.

Voici donc un petit tour d’horizon des principaux cépages grecs avec, à la clé, quelques suggestions pour s’y retrouver!

Blancs

La Grèce produit des vins blancs en majorité, ce qui est plutôt surprenant puisqu’il s’agit d’un des climats les plus chauds en Europe. La clé du succès est l’utilisation des cépages indigènes qui conservent une bonne acidité malgré la chaleur intense.

Assyrtiko

C’est de l’île de Santorini que l’Assyrtiko est originaire, même s’il a trouvé une terre d’accueil sur le continent depuis quelques temps.

Santorini (Photo: Mariusz Kluzniak @ Flickr)
Santorini (Photo: Mariusz Kluzniak @ Flickr)

Amateurs de rieslings et de chablis, c’est le nom que vous devez retenir. Le terroir volcanique de Santorini a trouvé un cépage parfait pour s’exprimer. Les meilleurs vins possèdent un côté salin qui traduit bien le fait que le raisin pousse sur un caillou au beau milieu de la mer Égée.

Parmi les noms à retenir, Hatzidakis, que ce soit pour la Cuvée 15 ou son Assyrtiko de base. Ses vins disparaissent habituellement en moins de temps qu’il faut pour épeler Assyrtiko, alors si vous en voyez sur les tablettes, n’y pensez pas deux fois. (Profitez-en, le millésime 2015 vient tout juste d’apparaître!. Sinon, vous pourrez vous retourner sans craintes vers Lyrarakis ou Argyros.

Savatiano

Savatiano
Savatiano

Cépage à la base de la retsina, le Savatiano est aussi utilisé pour élaborer des vins secs, absents de toute résine. C’est le cépage le plus planté en Grèce, avec une production totale de 6 millions d’hectolitres (2010). Il produit des vins faits pour la table, qui vont à merveille avec à peu près tout ce qui vient de la mer.

Présent sur une base régulière sur les tablettes, le Savatiano de Papagiannakos est une valeur sûre et, pour ceux qui ont une mémoire visuelle, est facilement repérable grâce au joli coq sur l’étiquette. Il plaira particulièrement aux amateurs de chardonnay vifs et non-boisés.

Moschofilero

Amateurs de gewürztraminer et de muscat, le moschofilero est pour vous. On est en présence d’un cépage qui s’exprime sur des notes florales et épicées qui est parfois utilisé pour confectionner des vins de dessert. Sur les tablettes de la SAQ, celui du Domaine Tselepos est particulièrement recommendable.

Moschofilero
Moschofilero

Rouges

Xinomavro

On touche ici à mon cépage rouge grec préféré. Imaginons un cépage qui serait à la fois proche du pinot noir et du nebbiolo: il peut montrer une bonne acidité, des tanins bien présents et une puissance qu’on ne soupçonne pas au premier abord, car les vins qu’ils produits sont généralement peu foncés.

Xinomavro
Xinomavro

Les styles qui peuvent être obtenus avec le xinomavro sont particulièrement variés. Ça va du joli vin de soif avec le Jeunes Vignes de Thymiopoulos (un de mes préférés!) jusqu’au vin plus costaud élevé en barrique chez Alpha Estate. Son acidité et sa charge tannique lui permettront de vieillir en beauté, faites l’expérience avec la cuvée Entre Ciel et Terre de Thymipoulos: si vous êtes capables de l’oublier dans un coin de la cave pendant quelques année, il vous le rendra bien.

Agiorgitiko

C’est le cépage rouge le plus planté en Grèce. Ici, on est du côté plus costaud du spectre, avec une couleur nettement plus foncée que le xinomavro. Amateurs de merlot, vous y trouverez votre compte, d’autant que l’agiorgitiko est souvent utilisé en assemblage avec du cabernet sauvignon, comme dans ce vin du domaine Skouras. On peut aussi le retrouver en assemblage avec de la syrah dans les cuves du domaine Gaia.

Un petit tour sur l’Etna

On la voit de loin, la masse sombre de l’Etna, qui domine le nord-est de la Sicile. Elle nous rappelle constamment que le volcan actif le plus élevé en Europe est à l’origine à la fois des terres fertiles de la région et des épisodes de destruction que la région a connu au fil des siècles. C’est sur son flanc nord, entre 600 et 2000 mètres d’altitude qu’on retrouve un des vignobles les plus en vue et les plus dynamiques de la planète vin.

LEtna, depuis Taormina

Le long de la SS120, entre Randazzo et Linguaglossa, le paysage alterne entre vignobles, vieux manoirs qui semblent avoir connu des jours meilleurs et quelques coulées de lave récentes, des sols gris où rien ne pousse. Les images satellites montrent bien l’étendue de la destruction que peut apporter l’Etna.

On y cultive du Nerello Mascalese et Nerello Cappucio en rouge et Carricante et Cataratto en blanc. Les vignes tirent avantage du sol aride et volcanique pour aller puiser leurs réserves bien profondément, donnant une complexité particulière au vin.

Le sol volcanique du vignoble de Feudo, chez Girolamo Russo
Le sol volcanique du vignoble de Feudo, chez Girolamo Russo

Malgré le fait qu’on soit dans le vignoble parmi les plus méridionaux en Europe, on est en présence de vins qui ne seraient pas reniés par les Bourguignons. L’altitude, le vent frais provenant du sommet et la proximité de la mer contribuent à la légèreté et à la vigueur des vins qui y sont produits.

Parmi les vins les plus délicieux de la région, on compte le Etna Rosso de Tenuta delle Terre Nere, les terres noires dans le nom du domaine faisant justement référence à ces coulées de lave omniprésentes dans la région. Les différentes coulées au fil des ans ont créé un patchwork géologique qui donnent à chaque cuvée un caractère distinctif.

Du côté léger du spectre, avec un nez qui embaume les petites fraises des champs, avec en arrière-plan, des notes fumées. En bouche, c’est frais et vivant, avec une bonne acidité et un tonus tannique qui vient équilibrer le tout.

Etna Rosso Terre Nere (Photo: saq.com)
Etna Rosso Terre Nere (Photo: saq.com)

Le réseau est à sec (il reste 3 bouteilles à Montréal!), on se souhaite un nouvel arrivage en février prochain. Si c’est le cas, j’en achèterai certainement quelques bouteilles rapidement lors de son arrivée sur les tablettes. Sinon, le Masseria Setteporte pourra aussi vous donner une jolie introduction aux vins de cette région, parmi les plus dynamiques présentement sur la planète vinicole.

Clos des Fous Pour ma Gueule 2014

Clos des Fous Pour ma gueule 2014
Clos des Fous Pour ma gueule 2014

Le Clos des Fous, c’est un projet lancé en 2008 (dont le premier millésime commercialisé est 2010) par 4 amoureux du Chili qui ont décidé de faire à leur tête et de démontrer à la planète que les vins chiliens sont tous sauf ennuyeux, industriels, verts et/ou trop mûrs… C’est autour de cette idée que Pedro Parra, François Massoc, Albert Cussen et Paco Leyton se sont regroupés.

Pour le plus grand plaisir de tous, le domaine est bien représenté sur les tablettes de la SAQ, avec pas moins de 5 cuvées. La dernière en lice est Pour ma gueule, un assemblage de Malbec (40%), Pais, Cinsault et Syrah (20% chacun) dont l’étiquette emprunte la typographie classique du domaine mais qui annonce un vin un peu moins sérieux et plus festif que le reste de la gamme.

Fumé, animal et terreux d’abord, le fruit arrive juste ensuite, sous la form de cerises noires un peu surettes. En bouche, l’acidité est bien présente, les tanins, secs et jolie longueur. Le côté légèrement funky viendra peut-être en déstabiliser quelques uns, mais on peut affirmer sans l’ombre d’un doute qu’on est aux antipodes d’un vin ennuyeux! Pour 20$, c’est un achat avisé qui trouvera parfaitement sa place avec les meilleures grillades de dès cet été et pour les quelques années à venir.