Trois rouges à avoir sous la main

La semaine dernière, David Pelletier, qui porte avec brio le chapeau du Sommelier Fou, jasait de manières de regarnir sa cave à vin après une période des Fêtes qui est souvent éprouvante. Il n’est certainement pas le seul à avoir quelques étagères vides après cette période de festivités éprouvante pour toutes les caves…

Voici donc, en vrac, quelques commentaires sur des vins dégustés récemment qui pourront certainement remplir sa section du lundi-au-jeudi de même que la section de moyenne garde de la cave. Sous la barre des 20$ (ou tout près), il feront certainement l’affaire de plusieurs!

Évidemment, ces suggestions sont, comme toujours, sensibles aux goûts personnels, les miens dans ce cas-ci! Pour ceux qui ne les connaissent pas encore, je vous invite à parcourir les archives du carnet de dégustation

Librandi Duca San Felice 2009Du sud de l’Italie, plus précisément de la Calabre (les orteils de la botte), le Duca San Felice 2009 de Librandi est une véritable aubaine. Pour la modique somme de 18,85$ (et même un peu moins si vous parvenez à le trouver en solde comme moi), vous découvrirez le gaglioppo, un cépage italien méconnu qui ne manque pourtant pas de caractère. Cousin du nerello mascalese et du frappato, il nous montre que les vins sudistes ne sont pas dépouvrus d’élégance et de finesse, en plus d’être des formidables vins de bouffe. L’étiquette n’est pas des plus jolies, mais ne vous laissez pas intimider, la beauté est dans le verre.

Toujours dans le registre ensoleillé, on pourrait aussi se tourner vers l’Espagne, plus précisément vers le cépage mencia, qui fait des miracles dans le Bierzo. Dans la Galice voisine, le Mencia 2011 de Gaba do Xil, qui se détaille à 18,00$ mérite toute notre attention. Si vous ne connaissez pas ce cépage, il s’agit d’une belle introduction. À mi-chemin entre la générosité du Nouveau Monde et la fraîcheur et la minéralité, il saura plaire à un large public. Servez-le avec une pizza ou un plat contenant du chorizo et invitez-moi à souper, j’arriverai rapidement!

Les amateurs de Bordeaux à la recherche d’un joli vin à boire maintenant sans avoir à débourser une fortune se tourneront vers le Château La Raz Caman. Le millésime 2008 est présentement annoncé sur le site de la SAQ pour la somme de 20,70$, mais vous trouverez peut-être quelques bouteilles de 2007 au travers. Celui-ci est prêt à boire et offre beaucoup de plaisir dès maintenant, “grâce” au millésime très moyen qu’est 2007 à Bordeaux.

La fraîcheur de la Sicile

La Sicile fait rêver, avec ses côtes ensoleillées donnant sur la Méditerranée, ses eaux turquoises, la vallée des temples, les poissons fraîchement pêchés et apprêtés simplement, le marché de Palermo…

Source: Antonio Ilardo sur Flickr

D’un point de vue vinicole, le soleil du sud gorge les raisins de sucre et les vins qui en résultent sont à l’image de la région: généreux, colorés et qui en mettent plein la gueule. Aussi, on est loin des petits domaines familiaux de la Bourgogne ou du Piemonte, les grands domaines de la région produisant souvent des millions de caisses par année. Au final, les vins qui y sont produits sont souvent très bons, mais pas nécessairement distinctifs. Pour des bons exmples, allez chercher un Cusumano ou vin de Donnafugata. Vous ne serez pas déçus de ce que vous aurez dans le verre, mais est-ce particulièrement Sicilien?

Certains vignerons sont toutefois en marge de ce style de vin, en cherchant à produire des vins plus en finesse, en fraîcheur et qui représentent plus fidèlement leur terroir. La figure de proue de ce mouvement est Arianna Occhipinti, dont un petit arrivage de son SP68 2011 (Nero d’Avola et Frappato) a causé la frénésie dans les SAQ de la province il y a deux semaines. En un peu plus 3 heures, la majorité des 900 bouteilles disponibles se sont envolées.

J’ai pu goûter au SP68 2010 en avril grâce à Leslie Trites à Tastecamp et j’avais mis la main sur quelques fioles du Frappato 2010 en importation privée chez Oenopole et je peux affirmer que le buzz est amplement mérité et il faudra surveiller le prochain arrivage, prévu au printemps 2013.

Entretemps, pour goûter à cette Sicile de fraîcheur, vous pouvez mettre la main sur une fiole de Frappato de l’Azienda Agricola COS. Ce regroupement de trois amis d’université (Giambattista Cilia, Cirino Strano et Giusto Occhipinti, l’oncle d’Arianna…) font du vin depuis les années 1980, un peu à contre-courant des méthodes habituelles. Pour certains de leurs produits, les fermentations sont faites en amphores, un peu comme on retrouve en Géorgie.

Le Frappato disponible à la SAQ est un exemple de fraîcheur, de modération et d’accessibilité. Le nez est sur les cerises légèrement amères, les fraises et les épices. On reconnaît certains accents du sud, sans que ça ne prenne toute la place. En bouche, une saine acidité garde le tout en équilibre et ça se boit comme du petit jus… On pourrait le comparer à un bon cru du Beaujolais, en version un peu plus sudiste.

Associez-le à un plat de pâtes tout simple et il fera des miracles. Dans mon cas, ce fut des spaghetti avec chorizo, tomates cerises fraîches et épinards tout juste tombés et le mariage avec l’amertume des épinards et la fraîcheur des tomates a été tout à fait réussi.

Une mondeuse sauvage

À moins d’être féru de cépages exotiques, il est fort probable que la mondeuse vous soit inconnue. Il s’agit d’un cépage ancien cultivé en Savoie et dans le Bugey, tout près au nord, qu’on retrouve aussi sous le nom de Refosco dans le nord de l’Italie. On retrouve aussi des quantités confidentielles ailleurs sur la planète (Californie, Argentine, Australie), mais de la mondeuse venant de ces contrées lointaines est vraiment anecdotique.

Toutefois, avant la crise du phylloxéra au 19e siècle, ce cépage était le plus cultivé dans la région. Il est presque disparu de l’est de la France sous l’action de ce puceron, mais commence à renaître sous les mains expertes des vignerons locaux qui s’y mettent sérieusement.

Mondeuse de Savoie
Mondeuse de Savoie

Pascal et Annick Quénard (parmi la multitude de Quénard vignerons dans la région) possèdent 8 hectares de vignes, plantées en jacquère, bergeron (l’appellation locale de la roussanne), mondeuse et gamay et font partie de ces vignerons sérieux. Les vignes y sont traitées avec respect, sans irrigation ni pesticides, les vendanges sont faites manuellement et les fermentations sont menées à partir des levures présentes naturellement dans le vignoble. C’est la Mondeuse “La Sauvage” 2010 qui est présentement offerte au Québec.

Dans le verre, cette mondeuse Sauvage déstabilise un peu. Au nez, beaucoup d’épices, des notes de violettes et le fruit prend un rôle de soutien. La bouche est fraîche et c’est cette acidité qui est structurante car les tannins sont présents mais prennent aussi le rôle de second violon. Le lendemain, il s’était transformé et ouvert, et même devenu plus agréable. Il était de manière générale plus équilibré: l’acidité est rentrée dans le rang et le vin s’était légèrement complexifié.

Pour un peu plus de 21$, on est en présence d’un vin qui se bonifiera au cours des prochaines années, tout en vous gardant en dehors de votre zone de confort.

Donnez-moi du nebbiolo et rendez-moi heureux

Servez-moi un nebbiolo et je serai heureux.

C’est en somme la conclusion à laquelle j’en arrive après avoir ouvert une bouteille de Langhe Pio Cesare 2008. Je n’ai pas trouvé encore ce qui vient tant me chercher dans les vins produits à partir de ce cépage… C’est peut-être la structure tannique, le savoir-faire accumulé depuis que le baron Cavour et l’oenologiste Louis Oudart ont mis au point la version moderne du Barolo ou, comme l’ami Rémy Charest, que ça ne goûte pas que le fruit. Et en plus, le Piedmont, ça rappelle des beaux souvenirs de voyage.

Vignoble de Il Bricco - Treiso (Barbaresco) - Pio Cesare
Vignoble de Il Bricco - Treiso (Barbaresco) - Pio Cesare

On retrouve dans le Pio Cesare une belle expression du nebbiolo, avec sa poigne sérieuse, son nez floral et sa couleur brique. Il est toutefois déjà bien approchable malgré son jeune âge, bien qu’il soit préférable pour le moment de le servir avec un morceau de viande substantiel afin que le vin n’écrase pas ce qui se trouve dans l’assiette. Si vous en avez plusieurs exemplaires, ouvrez-en un dès maintenant pour voir de quoi il se chauffe et laissez les autre filer pendant quelques années, le vin vous le rendra bien.

Eating. Drinking. Dancing. Three Trees.

Il y a de ces vins qui ne se prennent pas pour d’autres et qui livrent exactement ce à quoi on s’attend d’eux. Que ce soit un Barolo aux tanins bien serrés, un “fruit-bomb” australien ou un vin gorgé de soleil de Sicile, un bon vin sait livrer la marchandise, comme on dit dans le merveilleux monde du sport.

Metairie Burgens - Three Trees
Metairie Burgens – Three Trees

En ce sens, les vins du domaine de Majas annoncent leurs couleurs clairement. Sur la contre-étiquette, on remarque tout d’abord les gros caractères du slogan Eating. Drinking. Dancing. C’est clair, on sera en présence d’un vin festif qu’on prendra plaisir à boire.

Situé dans le Roussillon, dans la vallée de Fenouillèdes, Agnès et Alain Carrère du Domaine de Majas produisent avec le vigneron néo-zélandais Tom Lubbe les vins de la gamme Three Trees. Certifiés bio par Ecocert depuis 2007, ils sont disponibles au Québec en importation privée via Insolite Importation.

Récemment, j’ai eu la chance de goûter à quelques reprises les vins du domaine et la convivialité transmise par la contre-étiquette se retrouve tout à fait dans le verre.

On retrouve dans le portfolio tout d’abord le Three Trees Carignan. Le fait que le vin soit composé à 100% de carignan peut en rebuter quelques uns, puisque ce cépage a la réputation d’être très tannique, plutôt austère et avec une acidité naturelle plutôt élevée. Toutefois, dans les mains expertes de Tom Lubbe, le carignan perd son côté agressif et devient souple, plaisant et acquiert même un petit côté charmeur. On a effectivement envie de faire comme Aurélia Filion de Bu sur le Web et de se mettre à danser, un verre à la main. Pour un prix d’ami de 17$, j’en rachèterai certainement l’année prochaine…!

Le domaine produit aussi un cabernet franc, le Métairie Burgens. Encore une fois, fidèle à la maxime sur la contre-étiquette, possède la profondeur qu’on attend d’un bon cabernet franc tout en conservant cette convivialité qui en fait un vin de plaisir. Amenée à une soirée par Rémy Charest, elle fut éclusée avec le plus grand des plaisirs sur deux jours. Assez pour passer une nouvelle commande aujourd’hui…

Au moment d’écrire ces lignes, il n’en reste que 4 cartons du Cabernet Franc et le Carignan est malheureusement épuisé. Toutefois, on retrouvera probablement ces vins sur la carte de restaurants bientôt. Si vous les voyez, n’hésitez surtout pas, vous ne le regretterez pas.