La fin prochaine d’une absurdité?

Depuis un certain temps, on vante les mérites des vins de Prince Edward County et de la région du Niagara. Comme ces deux régions ne sont pas très loin du Québec, il est tentant d’aller y passer des vacances.

Gare à vous si vous tombez en amour avec les vins. Selon la loi sur l’importation des boissons enivrantes, il est illégal de traverser une frontière interprovinciale en possession de bouteilles de vin. De plus, le vignoble n’a pas le droit d’expédier des bouteilles directement chez le consommateur. Cette loi, à peine modifiée depuis 1928, transforme plusieurs personnes en dangereux criminels.

Heureusement, on commence à voir un début d’ouverture. Le projet de loi privé C-311, proposé par le député conservateur d’Okanagan-Coquihalla Dan Albas, vise à permettre le transport et l’expédition de vin au-travers des frontières inter-provinciales pour la consommation personnelle. Avec la vitesse à laquelle les choses bougent lorsqu’on parle de politique, on ne passera pas une commande tout de suite, mais il est bon de voir que je ne suis pas le seul à trouver cette situation absurde.

Quelques liens complémentaires:

Le paradis (américain) du pinot noir

Lorsqu’on pense à l’Oregon, les principales images qui viennent en tête sont celles de la côte Pacifique sauvage et des forêts de cèdres géants. Ce ne sont pas nécessairement des conditions que l’on associe spontanément à la viticulture de haut niveau. Toutefois, cette industrie se développe de manière importante depuis les 30 dernières années, avec un buzz particulier autour des vins produits à partir du pinot noir. De retour de quelques jours dans cet état où les visites de vignobles ont constitué un élément central, bref tour d’horizon.

Dans les vignes de pinot chez Lenné
Dans les vignes de pinot chez Lenné

Un bref historique

Les premiers producteurs à s’établir en Oregon sont arrivés dans la région de Dundee en 1965, maintenant l’épicentre de l’industrie viticole oregonaise. Des producteurs, principalement californiens, commencent à découvrir les collines au sud de Portland. La reconnaissance internationale se pointe le bout du nez au début des années 1980, avec des commentaires élogieux de Robert Parker et du Wine Spectator. L’industrie prend ensuite de l’ampleur: des premières AVA déclarées en 1984 (Willamette Valley et Umpqua Valley), on en compte maintenant 16, réparties un peu partout dans l’état.

L’Oregon est alors de plus en plus comparé à la Bourgogne, avec un climat frais, surtout lorsque comparé à la Californie voisine. Il n’y fait jamais vraiment chaud ni froid, La majorité des vignobles se situent dans la vallée de la rivière Willamette, qui occupe environ la moitié nord de l’État à un peu plus d’une heure de route de la côte. On y plante principalement du pinot noir (pour plus de la moitié de la production), du pinot gris (environ 15%) et du riesling. Suivent ensuite du chardonnay et un peu de cabernet sauvignon, surtout planté dans le sud de l’État.

Les collines au nord de McMinnville

Au nord de McMinnville, il faut se perdre dans les petites routes et découvrir les vignobles au détour d’une colline. Alors que la plupart des touristes se dirigent dans les collines de Dundee, la zone un peu plus à l’est près de Carlton permet de fuir un peu les foules et connaître des producteurs un peu plus petits.

Domaine Belle-Pente
Domaine Belle-Pente

Armés de la carte des vignobles de l’association des producteurs de la Willamette Valley, qui est d’ailleurs très bien faite, nous avons mis le cap vers Lenné Estate, une des belles surprises de la région.

Produisant du pinot à partir de vignes plantées à flanc de colline entre 300 et 600 mètres plantées depuis 2001, Lenné offre trois gammes de produits: le LeNez d’entrée de gamme, le Lenné Estate et des cuvées produites entièrement d’un même clone de pinot. Alors que le LeNez 2009 présentait un côté bonbon un peu dérangeant, le Lenné Estate 2008 offrait un profil plus sérieux tout en gardant résolument un pied au Nouveau Monde. Très réussi!

Chez Brick House, nous avons fait la connaissance d’un chardonnay résolument moderne, de deux pinots (Les Dijonnais et la Cuvée du Tonnelier) particulièrement bien faits. Ce que j’en retient tout de fois est le Gamay 2010 tout juste revenu de l’étiquetage. La jeunesse y était évidente, le fruit tout à l’avant plan et notes épicées classiques de ce cépage. Le millésime 2008 acheté au restaurant La Rambla le lendemain soit était définitivement plus mature et plus placé. De plus, c’était le vin le moins dispendieux de la gamme, qui pourrait s’en plaindre!

Dans les vignes chez Domaine Drouhin. Les rangs les plus serrés rencontrés de tout le voyage!
Dans les vignes chez Domaine Drouhin. Les rangs les plus serrés rencontrés de tout le voyage!

Nous avons mis un peu de temps pour trouver la minuscule salle de dégustation de Daedalus Cellars, cachée dans un building plutôt anonyme. En bon québécois, on pourrait qualifier cet arrêt de “guess heureux” du voyage. Sans avoir pu obtenir bien des détails sur les vins au-delà de ce qu’on trouve sur la fiche technique, les vins se sont démarqués du lot. J’ai particulièrement aimé le Pinot Noir Willamette Valley, qui possède la structure qui manquait dans beaucoup d’autres vins goûtés dans la région. Le tout pour un raisonnable 25$, une aubaine pour la région. Leur approche de vinification, proche du mouvement du vin naturel transparaît dans la qualité de ce qu’on retrouve dans la bouteille. Chapeau!

Finalement, c’est dans les Dundee Hills que nous avons rencontré les plus gros domaines, où l’expérience de dégustation était plus commerciale, voire industrielle. Au Domaine Drouhin, les vins étaient superbes mais la salle de dégustation était bondée; il est probablement judicieux de réserver une visite en prenant un rendez-vous à l’avance. Par contre, une fois qu’on a pu accrocher un employé pour une dégustation, tout s’est très bien passé. Le Domaine Serene fut la visite la plus chère que nous avons fait et rien ne nous a marqué… Chez DePonte Cellars, seul un Melon de Bourgogne servi en guise d’apéro nous a séduit. Comme quoi on peut trouver de tout, même dans les régions les plus réputées.

En descendant vers la Californie, la découverte vinicole était toujours au menu, entre autres avec des arrêts chez St-Innocent Winery et chez Abacela. Mais comme ça en fait beaucoup à raconter, on va garder ça pour la prochaine fois!

AOC – Appellation Olivier Cousin

On apprend aujourd’hui via le blog d’Alice Feiring qu’Olivier Cousin, vigneron à Anjou, dans la Loire a des problèmes avec l’INAO, l’organisme en charge des règles de production et de classification des vins en France [1. L’INAO est aussi en charge des appellations pour les autres produits alimentaires, comme le fromage. En fait, tout ce qui porte une mention protégée en France est géré par l’INAO.]

Olivier Cousin. Photo trouvée sur le superbe site de Raffaele Bonivento (http://www.raffaelebonivento.com/)
Olivier Cousin. Photo trouvée sur le superbe site de Raffaele Bonivento (http://www.raffaelebonivento.com/)
Depuis près d’une dizaine d’années, Olivier Cousin produit des vins sous l’appellation de Vin de Table, jugés atypiques par le comité d’agrément de l’appellation, donc ne pouvant pas se réclamer de l’appellation géographique d’où ils sont issus. Toutefois, il a récemment produit un vin sous l’appellation AOC: Appellation Olivier Cousin! Traduit en justice pour avoir nui à l’appellation, il vient d’écoper d’une amende salée de 30 000 Euros, une petite fortune pour un producteur possédant que 5 hectares de vignes.

J’ai pu goûter à son chenin blanc il y a quelques semaines au Moine Échanson à Québec et je comprends pourquoi les gens de l’INAO trouvent pourquoi la production d’Olivier Colin ne cadre pas avec leurs catégories. On pouvait y reconnaître les caratéristiques du chenin, des notes florales, de pêches et de miel, tout en conservant une bonne acidité. Toutefois, on y retrouvait aussi des petites touches d’oxydation et une profondeur impressionnante. Il ne s’agit visiblement pas d’un vin facile ou accessible, mais dans les bonnes conditions (ou si on est ouvert à l’aventure et la découverte), la magie peut opérer…

Olivier Colin n’est pas le seul dans sa situation et plusieurs petits vignerons atypiques sont victimes des règles plutôt rigides imposées par l’INAO. Au Québec, on doit en plus se plier aux règles aussi rigides de la SAQ, à moins de se tourner vers l’importation privée. On finit quand même par trouver ces vins hors-normes, mais il faut savoir où chercher.

Quoi faire donc pour encourager la production de ces vignerons? Dans le cas d’Olivier Colin, on peut manifester son mécontentement à Sylvie Augereau (sylaugereau (A) wanadoo.fr) qui se chargera de faire le lien avec les autorités compétentes. De manière plus générale, le pouvoir du consommateur est de parler avec son porte-feuille. Acheter un vin, le partager avec des amis et le faire découvrir, c’est le meilleur moyen d’encourager l’artisan à continuer son travail. Puisque après tout, derrière chaque étiquette se cache un vigneron et son équipe qui se dédient à produire un vin de qualité, qu’il cadre ou non dans des standards définis.

Eating. Drinking. Dancing. Three Trees.

Il y a de ces vins qui ne se prennent pas pour d’autres et qui livrent exactement ce à quoi on s’attend d’eux. Que ce soit un Barolo aux tanins bien serrés, un “fruit-bomb” australien ou un vin gorgé de soleil de Sicile, un bon vin sait livrer la marchandise, comme on dit dans le merveilleux monde du sport.

Metairie Burgens - Three Trees
Metairie Burgens – Three Trees

En ce sens, les vins du domaine de Majas annoncent leurs couleurs clairement. Sur la contre-étiquette, on remarque tout d’abord les gros caractères du slogan Eating. Drinking. Dancing. C’est clair, on sera en présence d’un vin festif qu’on prendra plaisir à boire.

Situé dans le Roussillon, dans la vallée de Fenouillèdes, Agnès et Alain Carrère du Domaine de Majas produisent avec le vigneron néo-zélandais Tom Lubbe les vins de la gamme Three Trees. Certifiés bio par Ecocert depuis 2007, ils sont disponibles au Québec en importation privée via Insolite Importation.

Récemment, j’ai eu la chance de goûter à quelques reprises les vins du domaine et la convivialité transmise par la contre-étiquette se retrouve tout à fait dans le verre.

On retrouve dans le portfolio tout d’abord le Three Trees Carignan. Le fait que le vin soit composé à 100% de carignan peut en rebuter quelques uns, puisque ce cépage a la réputation d’être très tannique, plutôt austère et avec une acidité naturelle plutôt élevée. Toutefois, dans les mains expertes de Tom Lubbe, le carignan perd son côté agressif et devient souple, plaisant et acquiert même un petit côté charmeur. On a effectivement envie de faire comme Aurélia Filion de Bu sur le Web et de se mettre à danser, un verre à la main. Pour un prix d’ami de 17$, j’en rachèterai certainement l’année prochaine…!

Le domaine produit aussi un cabernet franc, le Métairie Burgens. Encore une fois, fidèle à la maxime sur la contre-étiquette, possède la profondeur qu’on attend d’un bon cabernet franc tout en conservant cette convivialité qui en fait un vin de plaisir. Amenée à une soirée par Rémy Charest, elle fut éclusée avec le plus grand des plaisirs sur deux jours. Assez pour passer une nouvelle commande aujourd’hui…

Au moment d’écrire ces lignes, il n’en reste que 4 cartons du Cabernet Franc et le Carignan est malheureusement épuisé. Toutefois, on retrouvera probablement ces vins sur la carte de restaurants bientôt. Si vous les voyez, n’hésitez surtout pas, vous ne le regretterez pas.

Un pinot qui nous vient du nord

Domaine Philippe Gilbert - Menetou-Salon 2008
Domaine Philippe Gilbert – Menetou-Salon 2008

Quand on pense pinot noir, on s’oriente instinctivement vers la Bourgogne. Avec raison, les plus grandes expressions de ce cépage y sont produits. Toutefois, d’autres régions produisent du pinot tout à fait enviable, comme on a pu le constater à TasteCamp dans le Niagara en mai dernier.

C’est avec cet a priori favorable que j’ai débouché hier un Menetou-Salon 2008, du domaine Philippe Gilbert, la Loire faisant partie de ces régions qui sont souvent sous-estimées. On y produit deux cuvées selon les principes de la biodynamie depuis 2006, les Renardières, issues de vieilles vignes, et la cuvée Domaine, qui est disponible au Québec.

Malheureusement, je me serais attendu à plus de la part d’un vin de ce prix (26$). Oui, c’un du pinot d’un climat froid, mais ça reste de manière générale plutôt simple et sans une grande complexité pour l’instant. Un peu de fruit, un peu d’épices, un peu de verdeur, sans plus. D’après moi, il ne s’agit pas d’un très bon rapport qualité-prix. Pour le même prix, je choisirai à tous les coups le Village Reserve du Clos Jordanne