De la Marquette de Sainte-Pétronille

L’an dernier, j’ai eu la chance d’être invité sur le plateau radio-canadien de Bien dans son assiette dans le cadre d’une émission thématique sur le vin québécois. Au menu, dégustation à l’aveugle et discussions bien intéressantes dans le cadre enchanteur du Vignoble de Sainte-Pétronille.

Vignoble de Sainte Pétronille Réserve 2012
Vignoble de Sainte Pétronille Réserve 2012

Après l’enregistrement, Louis Denault, le propriétaire et vigneron domaine, nous amène au chai pour nous faire déguster, avec des étoiles dans les yeux. Il nous amène devant une barrique et nous tend un verre. Surprise, nous avons devant nous un vin rouge, qui ne trahit pas du tout son passage en fût. Comme les autres vins du domaine, il possède une belle acidité et, même s’il s’agit d’un fût neuf, le vin a assez de matière pour bien l’intégrer. “Je commence à travailler avec le Marquette et ça donne des résultats pas mal intéressants à date!” Bien content d’avoir pu goûter à ça, je me mets une note mentale de surveiller la vente de cette cuvée.

Fast-forward à cet été, où je passe pour aller chercher quelques bouteilles du nouveau millésime de leur Brut Nature, que j’adore. En sortant, je croise Louis dans la porte et il me lance: “J’ai quelque chose pour toi, tu m’en redonneras des nouvelles…!“. Il revient quelques minutes plus tard, une bouteille de Sainte-Pétronille Réserve 2012, tiré de la barrique que j’avais goûté l’année précédente. Je dois admettre que j’avais un peu oublié ma note mentale et remercie Louis de me l’avoir remis en tête! 🙂

Un an plus tard à peu près jour pour jour, le vin avait gagné en souplesse et en complexité. Il est très franc au nez, avec des notes florales et de fruits rouges particulièrement intenses. En bouche, l’acidité est toujours là et forme le coeur du vin et les tanins sont présents, sans prendre les devants. On pourrait le comparer à un beau Beaujolais, à cause de cette fraîcheur et le côté glou-glou que j’y apprécie tant. La macération carbonique qu’a subi le marquette y est certainement pour beaucoup. Peu importe le procédé, on peut affirmer que c’est particulièrement réussi.

Si vous avez la chance d’avoir une bouteille des 25 caisses qui ont été produites et mises en vente pour 20$ au domaine, comptez-vous chanceux. (Au moment d’écrire ces lignes, je ne sais pas s’il en reste. On semble pouvoir en commander sur le site du vignoble…) Le millésime 2012 a été exceptionnel au Québec et a permis d’élaborer des vins comme celui-ci. Ce n’est pas dit qu’on pourra refaire la même chose à chaque année, mais on a ici une preuve hors de tout doute qu’on peut faire un vin rouge de grande qualité au Québec.

Chartier, IGA et vous

La semaine dernière, j’étais invité au lancement de la gamme de vins Harmonies de François Chartier. Si vous avez visité une SAQ depuis l’année dernière, vous avez certainement remarqué l’arrivée sur les tablettes des vins de négoce élaborés et commercialisés en collaboration avec des domaines en France, en Italie et en Espagne. Cette année, il récidive avec une autre gamme de produits vendue en supermarché.

Pour résumer, IGA a approché François Chartier afin de développer une gamme de vins de qualité qui pourraient être vendus dans leurs supermarchés. Quand on sait qu’un peu plus de 25% de tout le vin vendu au Québec (en volume) l’est fait dans le réseau des épiceries et que la qualité du vin offert dans ces magasins est plutôt… discutable, la possibilité d’y occuper une niche est d’autant plus alléchante. Au point de vue marketing, le placement est logique puisqu’IGA tente de se positionner comme étant l’épicerie qui offre le plus de choix et de qualité sur ses rayons.

Reste le problème de la qualité. Pour qu’un vin soit vendu dans ce réseau, il doit être embouteillé au Québec. Transporté par bateau depuis son port d’origine, on doit veiller à ce qu’il ne souffre pas dans le voyage. Ce n’est qu’après avoir fait les vérifications nécessaires que le projet a pu être officiellement lancé. La conclusion est que si le vin est de bonne qualité au départ, il sera de bonne qualité à l’arrivée.

Ainsi, Chartier a pu travailler avec les mêmes domaines que pour sa gamme de vin en SAQ, à la différence principale qu’ils sont plutôt embouteillés à la Maison des Futailles, à Boucherville. Aussi, le contexte réglementaire fait qu’il n’est pas possible d’inscrire ni le millésime, ni les cépages sur l’étiquette des vins vendus en épicerie, limitation contournée par l’information rendue disponible sur le site internet.

Au final, trois vins ont fait leur apparition, un blanc et deux rouges provenant respectivement du Languedoc, du Rhône méridional et de la Toscane. Comme pour la gamme de vins en SAQ, le focus est principalement mis sur les accords qu’il est possible de faire à table plutôt que sur le vin lui-même et c’est encore plus présent dans le cas de la gamme Harmonies.

Lors du lancement au Château Frontenac, nous avons eu la chance d’avoir deux bouchées concoctées par Stéphane Modat. L’accord entre les vins et les bouchées était à chaque fois particulièrement réussi et a même volé le show. Vous n’êtes pas pas Stéphane Modat? Pas grave. En utilisant les ingrédients indiqués sur la contre-étiquette dans votre recette, vous obtiendrez au moins un résultat correct.

Les vins, ils étaient comment? Fort respectables et offrant une option intéressante pour dépanner lorsque la SAQ est fermée. Si vous aimez les vins présents en SAQ, vous retrouverez sensiblement la même chose en épicerie, pour un prix similaire, sans qu’ils soient exactement identiques. Mais il n’y a toutefois rien comme d’y goûter pour se forger sa propre opinion!

Dans le cellier de Sophie

Lors d’une visite chez une amie, elle me mentionnait au détour d’une conversation que lorsqu’elle arrivait dans une succursale de la SAQ, elle se dirigeait généralement vers une bouteille qu’elle connaissait et en achetait deux bouteilles. Du même souffle, elle mentionne son goût pour la découverte de nouveaux vins. Voici donc quelques recommendations pour l’aider à apporter un peu de diversité.

Les Blancs

En blanc, on retrouve deux classiques: le Sauvignon Blanc de Kim Crawford et le chardonnay Bin 65 de Lindeman’s.

En alternative au sauvignon blanc néo-zélandais, je suggère de se tourner vers la cuvée Gaba do Xil de Telmo Rodriguez. Une bouteille toute en fraîcheur faite de godello qui fait une belle place aux agrumes et qui fera des miracles en apéro. Pour un peu moins de 20$, il offre un excellent rapport qualité-prix.

Pour faire changement du chardonnay, on cherche ici un vin plus ample et généreux que le précédent. On reste toutefois en Espagne avec le Gran Viña Sol de Torres. Cette grande maison catalane produit année après année un vin où le bois en bien placé, l’acidité en soutien et le prix toujours raisonnable. Toujours disponible sur les tablettes, j’ai souvent tendance à finir par acheter autre chose, mais je ne devrais pas… Et contrairement au Lindeman’s, le Gran Viña Sol est même bâti pour vieillir quelques années…!

Les Rouges

Clos St-Alphonse. Photo: SAQ.com
Clos St-Alphonse. Photo: SAQ.com

Du côté rouge, on a encore une abondance de vins provenant de Down Under et de vins américains qui cherchent à en mettre plein la vue. Oui, c’est la manière polie pour dire qu’il y a du Apothic Red dans ce cellier (au nombre de bouteilles vendues, c’est un peu normal d’en retrouver un peu partout…!)

Lançons-nous directement en cherchant une alternative au fameux Apothic… Ce qui me dérange le plus est certainement qu’il contienne 18g/l de sucre résiduel (selon le site de la LCBO) et que son acidité est assez faible. J’aurais tendance à suggérer d’aller chercher la chaleur du sud de la France, qu’on retrouve en très bonne quantité dans le Domaine la Montagnette. Toutefois ici, chaleur et fruits sont bien supportés par des tanins bien enrobés.

On y retrouve aussi le cabernet sauvignon RH Phillips 2012, un cabernet sauvignon californien pas trop cher et qui est somme toutes un bon choix. Pour faire changement, dans le style tout aussi ensoleillé mais un peu plus rustique, on explore la section Divers Pays de la SAQ et on choisit le Clos St-Alphose du Château Ksara, au Liban.  Le millésime 2007 vient de quitter les tablettes, remplacé par le 2011. Dans les deux cas, on a un vin gourmand pas compliqué mais qui en offre beaucoup pour les 11 dollars demandés.

Comfort food. Comfort Wine.

Les accords mets et vins ont parfois la réputation d’être compliqués et de demander de bien connaître les interactions entre le vin et la nourriture sur le bout des doigts. Il y a toutefois quelques accords tout simples qui fonctionnent à tout coup.

Sangiovese di Romagna de Poderi dal Nespoli
Sangiovese di Romagna de Poderi dal Nespoli

Mon comfort food par excellence est une généreuse portion de pasta all’arrabiata, une sauce toute simple à base de tomates, de pancetta et de peperoncino. Un grand classique italien facile à préparer qui me rend heureux à chaque fois.

Côté vin, pas besoin d’aller chercher bien loin, l’accord régional fonctionne parfaitement. Un vin italien à base de sangiovese va particulièrement bien avec les plats à base de tomate comme celui-ci. On pourrait aller piger en Toscane, plus particulièrement dans le Chianti, où il y a amplement de choix pour s’amuser.

La dernière fois, j’ai plutôt opté d’aller du côté de l’Émilie-Romagne, chez Poderi dal Nespoli. Domaine fondé en 1929, leur cuvée Prugneto, faite des plus vieilles vignes du domaine, est disponible sur les tablettes de la SAQ pour 20$.

Légèrement timide à l’ouverture de la bouteille, il s’est rapidement épanoui dans le verre avec un nez de fruits bien murs et des notes épicées. Plaisant et généreux, tout en conservant une certaine retenue. C’est surtout son acidité en bouche qui lui permet de bien s’agencer avec la tomate de la sauce et d’offrir toute la fraîcheur désirée. Tous deux se complémentent à merveille et même si ce n’est pas nécessairement l’accord le plus original, il fonctionne tellement bien qu’on serait fou de s’en passer!

Merci à Elixirs Vins et Spiritueux, qui m’a fourni la bouteille en échantillon, j’en ai racheté par la suite! 

Un groupe de dégustation? Facile!

Un club de dégustation de vin? Ça n’a pas à être ce cercle fermé où les gens utilisent des adjectifs ésotériques pour décrire du jus de raisin fermenté. À bas les préjugés, vous aussi pouvez mettre sur pied votre club de dégustation de vin avec un minimum de préparation et de volonté. Guide pour soirées réussies en 4 étapes.

Se trouver des amis

Les Vinsignifiants en pleine action
Les Vinsignifiants en pleine action

Le vin est avant tout une boisson sociale et c’est avec un bon cercle d’amis que partager une bonne bouteille prend tout son sens.

Au-delà de l’aspect festif de la chose, s’assurer d’avoir un groupe d’amis intéressés au vin permet de s’assurer d’un groupe stable sont les liens sont déjà établis. Pas besoin d’être des experts en vin, mais ça prend au moins un intérêt pour le vin et les soirées entre amis. J’imagine que ces deux qualités sont pas mal répandues dans votre cercle d’amis et qu’il ne sera pas trop difficile à trouver…

Se fixer une fréquence de rencontre

À mon sens, une des principales différences entre un club de dégustation et un souper entre amis est la récurrence de la chose. Fixez-vous une fréquence avec laquelle tous sont à l’aise. Ça peut être une fois par mois, par deux mois, deux fois par année; l’important est de tenir une réunion sur une base régulière. Par exemple, dans le groupe que je me suis monté avec des amis, on vise 4 réunions par année puisque c’est ce qui convient le mieux aux horaires de tous.

N’hésitez pas à faire quand même une réunion même s’il manque un membre ou deux puisqu’à 8-10 personnes, c’est parfois difficile de faire concorder les horaires… Pour ceux qui ne connaissent pas, Doodle sera votre outil de prédilection pour cette délicate tâche!

Se fixer des règles du jeu

Avec des règles claires dès le départ pour tous, il n’y a pas d’ambiguïté et tout le monde sait dans quoi il s’embarque. À chaque rencontre, les participants amènent une bouteille et quelque chose pour manger? Chaque personne reçoit les autres à tour de rôle et est en charge de fournir les vins? Faire des rencontres dans un resto différent à chaque fois et y explorer la carte des vins? À l’aveugle ou à bouteilles découvertes? Il n’en tient qu’à vous (mais je vous incite à faire ça à l’aveugle)!

Un joli alignement de bouteilles mystérieuses!
Un joli alignement de bouteilles mystérieuses!

Fixer une limite monétaire aux vins qui sont apportés est un must, afin que personne ne se sente mal à l’aise parce que quelqu’un tente de faire son show-off avec des grosses quilles… Avec le choix qui est disponible à la SAQ, pas besoin de mettre nécessairement des montants faramineux: pour 20 – 25$, la gamme de produits et de découvertes est assez impressionnante!

Au-delà de ça, il est intéressant de se fixer un thème pour chaque rencontre. Ça permet d’avoir des vins qui ont une base de comparaison commune et aux participants de sortir de leur zone de confort viticole. Tous des fans de l’Europe? Faites une soirée Nouveau Monde! Explorez à fond une région particulière! Un millésime! Un cépage! Encore une fois, la limite n’est que votre imagination.

S’amuser!

Mine de rien, c’est ça le plus important. Avec des bons amis, du bon vin (ou même du vin un peu ordinaire, mais qui fait sortir la discussion), c’est garanti que vous allez passer du bon temps.

La possibilité d’avoir plusieurs vins comparables servis en même temps est une formidable occasion d’apprentissage. C’est en goûtant qu’on peut mettre en évidence les différences et les similitudes entre les différents vins servis. Et c’est plutôt inusité de s’ouvrir 5 bouteilles de vin un petit mardi soir dans le but de les comparer, non? Sachez profiter de cette occasion pour étendre votre palais!

Passer un peu de temps à faire de la recherche sur les vins disponibles pour le thème de la prochaine rencontre, le préparer et le partager avec des gens à qui on tient, c’est une bien belle manière d’occuper une soirée!