Depuis 2009, les vins québécois font office d’une certification, que vous avez probablement vu en tant que consommateurs, les “Vins du Québec certifiés”. Or, cette certification devrait bientôt céder le pas à une indication géographique protégée (IGP), un texte de loi qui régit la production de vin au Québec.
L’IGP se veut une suite logique de la certification actuelle. Le producteur dont les vins sont déjà certifiés devrait normalement avoir une transition en douceur vers l’IGP.
Au final, qu’est-ce que ça va changer pour le consommateur québécois? Probablement assez peu à court terme. La nouvelle appellation permettra aux vins du Québec de se reposer sur une norme basée sur des standards internationaux, ce qui n’est pas directement le cas avec la certification actuelle. L’organisme régulateur, nouvellement indépendant de l’association de producteurs, aura aussi de meilleurs moyens de contrôle et de “répression” en cas de problème.
Mais tout cela est bureaucratique plus qu’autre chose. Il s’agit aussi le premier pas vers une définition plus précise des terroirs québécois. Dans l’appellation initialement proposée, la zone couverte comprend toute la zone qui offre plus de 900 degrés-jours par année. Comme on peut le voir sur la carte, on est en présence d’une zone immense, s’étendant de l’Abitibi jusqu’à La Pocatière…
Là où ça vient particulièrement intéressant est le travail, déjà amorcé sous la houlette de Nadia Fournier, de définir des sous-régions cohérentes au sein de ce grand territoire. La base de ce travail est de passer de régions administratives à des régions viticoles qui font du sens sur le terrain, tant au niveau du climat que de la géologie. Les premières ébauches que j’ai pu voir semblent prometteuses et j’ai particulièrement hâte de pouvoir en parler plus longuement!
Le progrès dans le monde du vin est généralement lent et graduel et y ajouter une couche de bureaucratie n’est rien pour arranger les choses. On s’attendait à du progrès d’ici la fin de 2017, mais avec la campagne électorale en cours, le ministre Laurent Lessard a probablement d’autres chats à fouetter.
Présentement, le texte final de l’appellation n’attend que la signature du ministre depuis la mi-mai dernier et les détails sont tous arrangés. Il est maintenant minuit moins une pour que les vignerons québécois puissent revendiquer l’IGP pour leurs vins de 2018… Souhaitons que ce dossier bouge rapidement et que les vins du Québec puissent poursuivre sur leur belle lancée, ces tracas administratifs bien loin derrière eux.
Le monde du vin peut paraître intimidant, avec ses allées de bouteilles différentes à la SAQ (mais qui peuvent sembler toutes pareilles!), ses experts qui parlent avec des grands mots et qui sentent plein de choses différentes dans le vin, au-delà du jus de raisin.
Mais ça n’a pas toujours à être ainsi. Il est possible de se lancer dans le monde du vin sans pour autant se prendre la tête. Voici donc quelques règles que j’aime suivre pour laisser loin derrière moi le côté prétentieux qui a tendance à rebuter certains lorsqu’ils souhaitent découvrir le vin.
Se trouver des amis
Le vin, c’est tout d’abord un moment de partage. Faire découvrir nos coups de coeurs, se faire surprendre par des amis, passer un bon moment ensemble, c’est l’essence même de ce que devrait être le vin. De plus, ça permet d’ouvrir quelques bouteilles côte-à-côte et de les comparer entre elles, les différences apparaîtront plus nettement.
Se forcer à la découverte
Facile de tomber dans ses pantoufles et de revenir toujours aux mêmes 5-6 bouteilles. Dans un des marchés où la diversité des vins offerts est la plus grande au monde, c’est un peu triste de ne pas en profiter…! Pour briser ce cercle vicieux, forcez la découverte. Par exemple, lors d’une expédition à la SAQ, assurez-vous d’avoir au moins une bouteille que vous n’avez jamais goûté. En panne d’inspiration?
Demandez à un conseiller de vous faire sortir de votre sentier battu.
Au lieu de prendre la bouteille que vous connaissez sur l’étalage, choisissez sa voisine sur l’étalage. Elle proviendra probablement de la même région, mais vous fera découvrir un nouveau producteur!
Retournez-vous et choisissez une bouteille dans une section du magasin où vous n’allez pas habituellement.
Se rappeler ce qu’on aime
Les librairies regorgent de carnets de dégustation, qui invitent à se monter des fiches en décollant l’étiquette, à suivre une méthode structurée et passer 10-15 minutes pour tout remplir. Conséquence, vous aurez probablement abandonné au bout de 3-4 fiches… Préconisez une méthode simple. Vous avez un téléphone cellulaire? Prenez l’étiquette en photo. Vous avez l’application de la SAQ? Scannez le code-barre et construisez une liste de favoris.
Allez à la rencontre de ceux qui font le vin
Les vignerons sont passionnés par leur métier et la plupart d’entre eux ne demandent qu’à partager cette passion. Profitez des opportunités qui peuvent s’offrir à vous, comme la visite d’un producteur dans un restaurant de la région ou lors d’un salon des vins.
Mieux encore, passez leur rendre visite. La scène viticole québécoise est en pleine ébullition et les vins sont meilleurs que jamais. La région de Québec, la Montérégie de même que l’Outaouais regorgent de bons vignobles, il ne faut pas hésiter à aller les découvrir…!
Il n’y a pas si longtemps, l’idée de servir un vin du Québec lors d’un souper aurait probablement semblé un peu étrange. Au restaurant, il semblait cantonné dans les restaurants touristiques qui se devaient d’avoir un ou deux au verre, puisqu’il le fallait… Or, cette perception est en train de changer, grâce au travail acharné des vignerons québécois et à des vins qui sont meilleurs que jamais. L’engouement pour des cuvées comme celles du Domaine du Nival ou de Pinard et Filles qui se vendent en quelques minutes aurait même été jugé impensable il y a que quelques années…!
S’il faut trouver quelque chose de positif aux changements climatiques, c’est que certains coins du Québec sont maintenant capables de mener des Vitis vinifera à maturité sur une base régulière. Les nouvelles plantations de pinot noir et de chardonnay se multiplient et certains vignobles pionniers comme Les Pervenches, avec leur parcelle de Chardonnay plantée en 1992, ont des vignes qui arrivent à maturité et leur qualité est meilleure que jamais.
En parallèle, les vignerons aussi comprennent mieux leur matière première et savent mieux garder les vignes en équilibre, produisant des vins de meilleure qualité. Des nouveaux cépages hybrides plus qualitatifs font leur apparition, aussi résistants au froid, mais aussi développés pour leurs qualité organoleptiques. Surveillez notamment les plantations de Marquette et Petite Pearl! L’exemple parfait de ces nouveaux cépages est le Vignoble de Sainte-Pétronille Réserve, car oui, on peut faire du bon vin rouge au Québec, si on ne cherche pas à faire un vin rouge qui se prend pour un autre.
Un projet de meilleure définition des régions vinicoles est aussi en marche, via le Conseil des vins du Québec. Alors que les divisions actuelles sont basées sur les régions administratives, un redécoupage en fonction de la réalité sur le terrain (climat, géologie, etc.) permettra à l’industrie de fermement prendre le virage d’une industrie touristique vers une industrie viticole en bonne et due forme. On a en a eu un aperçu lors du Salon Accords 2018: Vins et Fromages du Québec, et il semble porter la marque du sérieux et du professionalisme dont fait toujours preuve Nadia Fournier, qui a été mandatée pour piloter ce projet.
Et avec la modification à la loi qui permet la vente de vins québécois en épicerie, l’accès à ces vins est plus facile que jamais. Ceci dit, ce n’est pas dans les grandes chaînes que l’offre est la plus alléchante, mais dans des petites épiceries spécialisées qui choisissent de garder un stock plus limité, mais trié sur le volet. Je pense ici à William J. Walter à Québec et JA Moisan à Québec, et Boire Grand sur Fleury et le Comptoir Ste-Cécile à Montréal. Il n’y en a probablement d’autres que je ne connais pas, mais ces jeunes entreprises dynamiques ont compris l’engouement du public pour les vignerons québécois qui font bien les choses.
On est définitivement en train d’assister à une nouvelle vague dans l’industrie, une nouvelle génération qui arrive et qui construit sur le travail de débroussaillage fait depuis le début des années 1980. Le progrès effectué au cours des dernières années est impressionnant et la suite s’annonce tout aussi brillante.
Du 4 au 6 mai prochain, la SAQ récidive avec la promotion au profit des Banques alimentaires du Québec. Pour chaque bouteille de vin blanc vendue durant cette période, la SAQ va remettre leur remettre 1$. Jusqu’au 13 mai, il sera possible de faire un don directement à la caisse. Avec des besoins de 1.9M$ par mois et 150 000 enfants ne mangeant pas à leur faim à chaque jour les Banques alimentaires du Québec effectuent un travail important et – malheureusement – nécessaire.
Ceci dit, le sujet principal de ce blog étant le vin, faisons d’une pierre deux coups et choisissons aussi des vins blancs qui vont nous permettre de bien boire.
Les vins blancs de l’Etna sont parmi mes chouchous ces derniers temps. Avec leur délicat équilibre entre la salinité du bord de mer et des sols volcaniques, l’éclat du soleil du sud de la Sicile et la fraîcheur apportée par l’altitude à laquelle la vigne cultivée, ils ont tout pour me plaire. Ceux-ci ne courent pas les tablettes de la SAQ, mais si vous croisez l’Etna Bianco de Sentieri Siciliani, de Benanti ou d’Alta Mora, n’hésitez surtout pas.
Redécouvrez des appellations classiques qui sont tombées dans l’ombre depuis une dizaine d’années. À Soave, on se tourne vers la cuvée Colli Schaligeri de Filippi, qui fera des miracles avec un plat de calmars frits. À Pouilly-Fuissé, c’est vers la Tête de cuvée du Château de Fuissé que je vous dirigerai.
Tournez-vous vers l’aligoté, ce cépage qui autrefois était considéré “que bon à faire un kir” est maintenant cultivé de manière sérieuse, avec des résultats probants. Buisson-Charles, Naudin-Ferrand et Goisot sont trois noms à retenir.
L’image d’un vin issu d’un volcan est forte. On imagine les coulées de lave, le panache de fumée s’élevant au-dessus des vignes. Or, à part des exceptions bien précises (on pense à l’Etna lorsqu’il est en éruption et aux vignes poussant dans les paysages lunaires de Lanzarote aux Îles Canaries), les volcans ne sont plus directement actifs depuis un bon moment. Or, leur influence se fait toute de même sentir dans les vins issus de ses régions.
L’intérêt pour les vins d’origine volcanique ne se dément pas. Suite à la publication du superbe livre Volcanic Wines: Salt, Grit and Power, le sommelier canadien John Szabo a organisé le mois dernier à New York la première conférence internationale sur les vins d’origine volcanique, regroupant une cinquantaine de producteurs d’un peu partout sur la planète afin de montrer ce que ces vins ont en commun et ce qui les rend spéciaux.
Il serait faux de penser que les sols volcaniques sont tous similaires, mais ils présentent des choses importantes en commun ayant une influence importante sur le vin qu’il produit. Ces sols sont pauvres, forçant la vigne à y puiser profondément, limitant naturellement le rendement de la vigne. Généralement, leur capacité de rétention d’eau est faible, ce qui pousse la vigne à produire des raisins et des grappes plus petites, augmentant ainsi le ratio peau/jus. Résultat: des vins généralement plus denses et plus extraits, offrant une texture en bouche plus dense que la moyenne.
Aussi, les sols volcaniques sont des milieux inhospitaliers pour le phylloxéra, cet insecte qui a ravagé les vignes depuis le milieu du 19e siècle. On retrouve ainsi des vignes généralement plus vieilles. Il n’est pas rare de trouver à Santorini des vignes quelques fois centenaires (oui, tout est plus ancien en Grèce…!), et cette tendance s’observe aussi dans plusieurs autres régions. Ces régions ont conservé plusieurs cépages historiques qui auraient autrement disparu, ajoutant à la diversité du paysage, parce que tout n’est pas cabernet, merlot et chardonnay dans la vie!
Le sol d’où est issu les vignes n’est qu’une partie du casse-tête qu’on nomme le terroir, mais il s’agit d’une pièce significative. Le climat, la géographie de même que l’influence humaine ont aussi leur mot à dire dans l’équation, contribuant à la formidable diversité qu’on retrouve dans le monde du vin.
Même si les sols d’origine volcaniques comptent pour environ 1% de la surface terrestre, il contribuent pour une portion significativement plus grande des grands vignobles sur la planète. On n’a qu’à penser à Santorini, Napa, Soave, l’Etna et la Campanie, toutes des régions au passé volcanique bien actif. Voici donc quelques suggestions de régions à explorer pour mettre du volcan dans son verre.
Etna, Sicile
La sélection de vins de l’Etna à la SAQ ne cesse de s’agrandir, pour mon plus grand bonheur. Ces vins issus de nerello mascalese (pour les rouges) et de carricante (pour les blancs) occupent une place spéciale dans ma cave depuis mon passage dans la région en 2013. Ceci dit, ils ont tendance à s’envoler rapidement des tablettes de la SAQ, il faut généralement ne pas trop tarder lorsqu’on les voit arriver.
Les blancs, qui reçoivent souvent moins d’attention que les rouges de la région, offrent une salinité et une tension remarquable, que vous retrouverez dans le Etna Bianco Alta Mora de Cusumano(13367979 – 26$). Du côté des rouges, on s’attend à des vins mi-corsés, qui mettent de l’avant cerises et épices, avec un côté fumé jamais très loin. Des sols volcaniques, ils viennent tirer une texture énergétique en milieu de bouche qui vient vraiment tirer le vin vers le haut. Parmi mes préférés, on note Graci Etna Rosso (13041830 – 27,15$) et l’Etna Rosso de Tenuta delle Terre Nere (12711176 – 27,95$).
Santorini, Grèce
Ça s’est plutôt mal terminé pour les habitants de Santorini, au printemps de 1613 avant JC. En moins de 48 heures, toute trace de vie sur l’île avait disparu sous près de 40 mètres de dépôts volcaniques Aujourd’hui, ce sol abrite de très (très!) vieilles vignes d’assyrtiko, à peu près toutes élevées de manière biologique est inhospitalier pour à peu près n’importe quoi d’autre.
Même si les bouteilles s’envolent à la vitesse de l’éclair, vous devriez faire des pieds et des mains pour les cuvées d’Hatzidakis (11901171 – 28,50$) et avoir la patience de les oublier quelques années en cave. À défaut des cuvées du maître, on se rabattra avec plaisir vers l’assyrtiko d’Argyros (11639344- 25,95$), presque transparent dans le verre et qui ramène tout droit au bord de la mer.
Soave, Veneto
Ici, on est loin de l’imaginaire des pieds de vigne qui poussent dans les coulées de lave séchées. Les volcans qui ont laissé leur trace dans l’appellation au nord-ouest de Venise ont connu leur pic d’activité il y a environ 50 millions d’années.
Il faut aussi tenir en compte que l’appellation a souffert de sa popularité dans les années 1970 et que la zone de production a été agrandie à plusieurs reproses pour inclure des zones plus fertiles qui donnent des vins peu mémorables. Pour s’y retrouver, on recherche l’appellation Soave Classico, qui englobe les collines au centre de l’appellation, à prédominance volcanique. Un exercice intéressant est de contraster les deux cuvées de Pieropan: Calvarino (741058 – 28,55$) est élevée sur solve volcanique et La Rocca (897066 – 37,50$) provient d’une zone calcaire de l’appellation. Le Calvarino montre un aspect plus mûr et une bouche un peu plus puissante que La Rocca, qui a d’avantage de finesse et une bouche plus vive.