Un midi avec le Baron

Le Baron, c’est Francesco Ricasoli, le 32 baron de Brolio, de passage à Québec pour nous faire découvrir l’étendue du portfolio produit au Castello di Brolio, au coeur du Chianti Classico, à la frontière entre Siena et Florence.

Fort d’une tradition qui s’étend jusqu’au 12e siècle, la maison Ricasoli est intimement liée à l’histoire du Chianti. Le château est passé dans la famille en 1141 et depuis la propriété s’est étendue sur 1200 hectares, dot 230 sont plantés en vigne, ce qui en fait une des plus vieilles entreprises familiales au monde encore en activité!

Castello di Brolio, c’est plus qu’un château: c’est aussi une des pierres angulaires du Chianti. En effet le Baron Betttino Ricasoli qui a mis au point la formule du Chianti Classico en 1872, dans l’optique de faire compétition aux vins français de qualité. Le tout en prenant une part active dans le Risorgimento, servant comme le deuxième premier ministre de l’Italie unifiée.

Bettino Ricasoli
Bettino Ricasoli

C’est en 1993 que Francesco Ricasoli reprend le contrôle de la viticulture. Avant ça, c’était… compliqué. L’ensemble des 230 hectares a été replanté et c’est à partir de 2003-2004 que les changements apportés en cave sont arrivés à maturité. Beaucoup de travail a aussi été fait au niveau de la compréhension des terroirs différents qui composent le domaine, au point de produire maintenant deux cuvées parcellaires (Coledilà et Casalferro) sur les 7 ou 8 terroirs particuliers qui ont été identifiés.

Présents au Québec depuis 1959, les vins de Barone Ricasoli se sont taillés une place de choix sur les tablettes de la SAQ, plusieurs étant inscrits au répertoire régulier. Lors d’un dîner organisé par l’agence d’importation qui représente le domaine, on a pu avoir un bon aperçu de la gamme de vins disponibles au Québec.

La gamme en rouge de Castello di Brolio
La gamme en rouge de Castello di Brolio

Cuvée classique du domaine produite à la hauteur de 200 000 bouteilles par année, le Brolio est un beau vin de bouffe, principalement composée de Sangiovese (80%), avec un peu de merlot et de cabernet sauvignon. On aime son caractère classique et droit, sans pour autant verser du côté austère de la chose.

Pour souligner le 300e anniversaire de la désignation protégée Chianti, la maison a lancé le Brolio Bettino, en hommage à l’illustre aïeul qui veille sur le domaine. Ici, le vin est élaboré le plus près possible de la méthode originale développée par Bettino Ricasoli. Le Sangiovese prend une part plus importante dans l’assemblage, la maturation se fait en grandes foudres et le vin n’est pas filtré. Il se distingue du Brolio classique par son côté un peu plus rustique, mais on distingue clairement la parenté. Un vin plein d’énergie et qui en a beaucoup à donner. Disponible en importation privée pour environ 35$, il a été mon coup de coeur de la dégustation.

Un p'tit verre de 1927 avec ça?
Un p’tit verre de 1927 avec ça?

Les esprits de tous ont aussi été marqués par une bouteille de Brolio Rosso 1927 (oui oui, vous avez bien lu, 1927), qui a offert une grande expérience de dégustation. Cette bouteille marquait bien ses 89 ans, mais montrait encore un peu de fruits, même si ce n’était pas ce qu’on retrouvait à l’avant-plan. On pourrait la comparer à une grand-mère qui fait ses mots croisés à tous les jours et qui a gardé toutes ses facultés malgré son âge avancé. Pourquoi 1927? “C’était le vieux millésime dont il nous restait le plus au château!” a tout bonnement répondu M. Ricasoli lorsqu’on cherchait à savoir quelle importance prenait ce millésime dans l’histoire de Brolio!

De passage à Gaiole in Chianti? Le château est un joueur majeur dans la région au niveau du tourisme vinicole. Sinon, prenez un petit verre de Brolio avec un bistecca alla fiorentina et ça sera tout comme si vous y étiez!

Merci à Société des Vins Fins pour l’invitation à cette belle rencontre.

Le vin de la St-Valentin

Parfois, même les meilleurs plans ne se déroulent pas comme prévus… Histoire d’un rendez-vous presque manqué avec une bouteille que j’attendais avec anticipation.

Au menu de ce vendredi, tartare de boeuf et une bonne bouteille de vin. On avait même prévu un peu de chocolat pour souligner la St-Valentin avec notre plus vieille… Je descends en cave et reviens avec ma dernière bouteille de Monthélie 1er Cru Les Duresses du Domaine des Comtes Lafon 1996, obtenu lors de la première vague de la vente des vins de Champlain Charest. Bref, on s’enligne pour une belle soirée.

Monthélie-les-Duresses 1er Cru 1996
Monthélie-les-Duresses 1er Cru 1996

Les beaux Riedels sont sur la table, je me verse un peu de nez pour m’assurer qu’il n’y a pas de bouchon. Le nez est agressif de savon à vaisselle… Même si mon verre ne sentait rien initialement, il devait rester un petit résidu…

Nouveau verre, prise deux. Le nez est cette fois ci parfait, textbook pinot étonnamment jeune pour un vin qui a 20 ans derrière la cravate. En bouche, c’est droit et élégant. Pas de doute, on est en présence d’un très beau vin.

Avec le tartare, ça se gâte toutefois. Je ne sais trop si c’est la présence des câpres ou des petits cornichons dans le tartare, mais la bouche devient soudainement métallique lorsque jumelée au tartare. Le nez est toujours aussi invitant, mais le plaisir à table est grandement diminué…

Pendant ce temps, la plus vieille décide que son souper est terminé après trois bouchées et le plus jeune, quant à lui, pleure à chaudes larmes, même s’il a bu aux heures depuis la fin de l’après-midi…

Repas terminé en queue de poisson, finalement et on finit par coucher les enfants et retâter du vin en guise de dessert, devant Martin Picard et sa bande qui fait un Gravlax de saumon dans une chambre d’hôtel. Le plus jeune dort profondément sur mon épaule, le vin est revenu comme il se doit, droit et élégant, comme un jeune homme à la moustache parfaitement taillée sur un vieille photo noir et blanc.

Même si les circonstances ne sont pas parfaites, les grands vins finissent toujours par se livrer d’une manière ou d’une autre…! Au final, l’expérience de dégustation, c’est aussi l’histoire qui accompagne chacun des verres et les gens avec qui on le partage!

Secco-Bertani IGT Verona 2012

À l’est du lac de Garde se trouve la charmante région du Veneto, où on élabore les célèbres Amarones et Valpolicella. Plusieurs des domaines vinicoles qu’on y retrouve ont été fondés durant la période de l’Unification de l’Italie, à la fin du XIXe siècle et sont encore en activité aujourd’hui, ce qui imprègne les vins qui y sont produits d’une tradition presque difficile à nier.

Vignobles autour de Vérone (Source: Paul Arps, Flickr)
Vignobles autour de Vérone (Source: Paul Arps, Flickr)

C’est le cas de la maison Bertani, fondée en 1857 par les frères Giovan Battista et Gaetano Bertani, qui ont appris les techniques de viticulture d’un certain professeur Guyot (oui oui, celui-là même de la taille Guyot…). Depuis, la compagnie a grossi pour occuper 200 hectares de vignes au nord de Vérone, sans renier ses origines. Par exemple, l’emballage de leur Amarone est resté le même depuis plus de 60 ans, ce qui illustre bien le désir de continuité de la maison.

Secco-Bertani (Photo: SAQ.com)
Secco-Bertani (Photo: SAQ.com)

Le Secco-Bertani est un des vins classiques du domaine, produit presque depuis les débuts de la maison. Assemblage de Corvina (80%) et de Merlot (20%), on a dans le verre un vin de moyenne corpulence, qui, au-travers de son nez de fruits noirs, fait une belle place aux épices avec une petite touche fumée. En bouche, on reconnaît l’Italie avec l’acidité rafraîchissante qui garde le tout en équilibre avec les tanins et qui prend tout son sens à table.

Un bon vin passe-partout disponible un peu partout en province et qui offre une option de choix au sein du répertoire général de la SAQ.

Échantillon fourni par Société des Vins Fins.

Mes vins signifiants: Cuvée 64

La bouteille n’a pour étiquette qu’un petit bout de ruban identificateur : Cuvée 64 et est certainement une des bouteilles les plus intrigantes qui trônent sur mon étagère de vins signifiants…

Dans la bouteille, du chardonnay vinifié en 2009 chez Closson Chase, dans Prince Edward County, Ontario. Un chardonnay comme je les aime, avec une fraîcheur assumée, un taux d’alcool sous contrôle et une texture riche apportée par l’élevage dans une vieille barrique, mais sans jamais que le bois ne prenne le dessus. À l’aveugle, on pourrait penser à un Bourgogne de belle facture.

Cuvée 64
Cuvée 64

Autour de la table, forcément, mon ami Rémy Charest qui a vinifié cette barrique en 2009 et qui prend un malin plaisir à servir ces bouteilles à l’aveugle lorsqu’on s’y attend le moins. Il a tenu tête à l’aveugle à un joli Puligny-Montrachet récemment et fait une forte impression lors de la soirée BYOB à Tastecamp 2013 en Virginie.

Au total, 72 bouteilles ont été produites et plusieurs se sont retrouvées dans quelques restaurants montréalais et québécois. Celle-ci provient de la cave de chez Joe Beef et j’ai insisté pour garder la bouteille vide, pour la mettre en cave. Avec une si faible production, je vois comme un signe de bonne amitié le fait que j’ai pu goûter à ce vin à 6 reprises au cours des dernières années…

Cheers Rémy et au plaisir de déguster ensemble ce que tu vinifieras à l’avenir!

Destination: Niagara (Partie 1)

Lorsqu’on mentionne Niagara, on pense surtout aux chutes. La superbe région viticole située à un peu plus d’une heure à l’est de Toronto passe souvent deuxième, alors qu’elle fraye son chemin sur la scène mondiale pour autre chose que le vin de glace.

Première partie de ce retour sur deux journées de visite bien remplies à la fin novembre.

Pearl-Morissette

François Morissette est un vigneron qui refuse les étiquettes. Montréalais d’origine, formé en Bourgogne chez des domaines pas piqués des vers (Frédéric Mugnier, Henri Gouges et Roulot), il s’est établi dans la péninsule en 2007. Vin nature? Non, il y a trop de mauvais qui se fait sous cette dénomination pour vouloir y être associé, mentionne François. Disons plutôt non-interventionniste, vivant, cérébral et pragmatique. Sans compromis.

Pearl-Morissette
Pearl-Morissette

Lors de mon passage, j’ai pu goûter à tout ce qu’il y avait à goûter… Sur la vingtaine de bouteilles, seulement deux avaient des étiquettes…! La dégustation est devenue presque une séance de travail lorsque l’assisant winemaker Brent Rowland est passé et s’est joint pour donner son avis sur l’évolution de certains vins qu’on dégustait!

Les bouteilles dégustées avaient pour la plupart été ouvertes entre quelques jours et une semaine auparavant et aucun signe de fatigue à l’horizon. L’oxygène est amené assez tôt dans le processus de vinification, ce qui leur permet de mieux résister au vieillissement et à l’ouverture.

Les rieslings, contrairement à l’habitude en Ontario, sont sans sucre résiduel et sont tout à fait vifs, tranchants et minéraux. Ici, le Redfoot offre une belle introduction à ces rieslings fermentés dans des vieilles foudres alsaciennes, mais c’est la cuvée Blackball (voir ici pour le résumé de la saga) qui retient la vedette. Un grand riesling qui vieillira avec grâce dans les prochaines décennies.

En rouge, mon coeur va au gamay qui offre toute la soif que ce cépage peut amener, sans tenter d’imiter ce qui peut se faire en Beaujolais. Un vin glougloutant à souhait, qui prend tout de même son temps pour se livrer. Une belle réussite qui montre que le gamay a un bel avenir dans le Niagara.

Le cabernet franc est quant à lui beaucoup plus substantiel et, selon l’avis de plusieurs, est probablement le cépage qui se démarquera le plus dans la région. Celui de François Morissette permet de baser un argumentaire particulièrement convaincant dans ce sens.

On surveillera aussi dans le futur les vins élevés en qvevris, ces gigantesques amphores en terre cuite importées de Géorgie. La cuvée de chardonnay qui y est élevée est pleine de fruits et de vie, avec une petite touche tannique juste assez dépaysante, mais qui m’a rappelé de beaux souvenirs de voyage!

Pour visiter chez Pearl-Morissette, il faut obligatoirement prendre rendez-vous. Le domaine est représenté au Québec par Vinealis.

Stratus

Alors que chez Pearl-Morissette, on produit pour l’instant presque uniquement des vins en monocépage, c’est l’inverse qui se passe chez Stratus, où l’assemblage est roi. C’est au total 17 cépages différents qui sont cultivés sur les 25 hectares de la propriété, qui produit du vin depuis 2005.

Jean-Laurent Groulx devant le vignoble enneigé de Stratus
Jean-Laurent Groulx devant le vignoble enneigé de Stratus

Établi dans le Niagara depuis 25 ans, Jean-Laurent Groulx a vu toute l’évolution de la viticulture dans le Niagara. C’est l’appel de la liberté qui l’a retenu dans la région, où les vignerons ont la possibilité d’expérimenter avec des nouvelles idées chaque année et où le progrès n’est pas retenu par le poids de la tradition.

Ainsi, à chaque année, l’emphase est mise sur le Stratus blanc et le Stratus rouge, les deux cuvées phare du domaine. La composition de l’assemblage varie annuellement, au gré de ce qui est le plus convaincant dans une séance d’assemblage à l’aveugle.

En 2012, année chaude, le Stratus blanc est composé à presque à part égales de chardonnay et de sauvignon blanc (43% et 42% respectivement), complété par 15% de sémillon. Avec presque deux ans en barriques, le vin développe une ampleur impressionnante qui fait que cet assemblage bordelais prend des airs de vins du sud du Rhône. Très joli.

Le Stratus rouge 2012, quant à lui, est issu principalement de cabernet sauvignon (29%), cabernet franc (26%) et de merlot (26%), complété par du petit verdot (13%), du malbec (3%) et du tannat (3%). Un vin qui respire la grande classe et l’élégance et qui est bâti pour la table. Il va vieillir longtemps et avec grâce.

Cabernet Sauvignon sous la neige chez Stratus
Cabernet Sauvignon sous la neige chez Stratus

Le domaine produit aussi quelques rieslings, qui sont plus dans la norme de ce qui se produit en Ontario, avec une bonne dose de sucre résiduel. Qu’on aime – ou pas – le style, on doit conclure que ce sont des vins d’une très belle facture, autant le Moyer Road Riesling (une étiquette propre au Québec) que la gamme de Charles Baker, le directeur marketing de Stratus dont le projet personnel est vinifié ici.

Et le vin de glace, lui? Il trouve chez Stratus une expression plus fraîche, avec un peu moins de sucre résiduel et un peu plus d’acidité que la moyenne. Ça reste une gourmandise et comblera les amateurs de Sauternes à la recherche de nouveaux terroirs.

Stratus dispose d’une très grande (et particulièrement jolie) salle de dégustation ouverte au public. Rendez-vous sur leur site web pour valider les heures d’ouverture.

Jean-Laurent Groulx dans la salle de dégustation chez Stratus
Jean-Laurent Groulx dans la salle de dégustation chez Stratus

Stratus est représenté au Québec par réZin, que je remercie pour l’aide à l’organisation avec M. Groulx.